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Crédit photo: Pixabay
||| Économie

Les PDG des épiceries convoqués au Parlement

18 octobre 2023

Un comité de la Chambre des communes demande aux dirigeants des principales chaînes d’épicerie du Canada d’expliquer leurs projets visant à stabiliser les prix des aliments. Le comité a adopté jeudi une motion du Nouveau Parti démocratique (NPD) pour inviter les dirigeants des épiceries, et les convoquer si nécessaire, à témoigner des mesures prises par leurs entreprises pour lutter contre l’inflation alimentaire.

Le comité parlementaire demande aux PDG de soumettre leurs plans d’ici le 2 novembre. Il invite également M. Champagne et la ministre des Finances, Chrystia Freeland, à comparaître devant le comité pour répondre aux questions.

Le ministre Champagne souhaite que les grandes chaînes canadiennes d’alimentation soient plus transparentes avec les consommateurs dans leurs projets de stabilisation des prix. Plus tôt en octobre, il a annoncé que les principales chaînes canadiennes - Loblaw, Metro, Walmart, Costco et Empire, qui compte notamment les bannières IGA et Sobeys - avaient soumis au gouvernement fédéral leurs plans initiaux sur la façon dont ils stabiliseraient les prix face à une inflation galopante.

Le gouvernement avait convoqué les dirigeants de ces entreprises à Ottawa le mois dernier, exigeant qu’ils présentent leur plan avant l’Action de grâce, sans quoi des mesures fiscales seraient prises. Lors du dévoilement de ces plans, le 5 octobre, le ministre Champagne a déclaré qu’ils comprenaient des réductions et des gels de prix, ainsi que des campagnes d’égalisation des prix entre concurrents. Il n’a pas divulgué beaucoup plus de détails à ce moment-là, affirmant qu’il souhaitait que les chaînes se fassent concurrence entre elles.

Mais dans une entrevue avec La Presse Canadienne, lundi, le ministre a invité les grands épiciers à être maintenant plus transparents avec les consommateurs. « Ils nous ont expliqué le genre de choses qu’ils ont l’intention de faire, mais je pense qu’ils ont peut-être été historiquement différents dans leur approche du marché. Ils disent : "Nous l’annoncerons quand nous le ferons", ils ont un peu peur de l’annoncer à l’avance. »

Boucler les fins de mois

La question du coût de la vie - surtout en ce qui concerne le logement et la nourriture - domine le discours politique depuis des mois. Les conservateurs et les néo-démocrates exigent du gouvernement libéral qu’il en fasse davantage pour aider les Canadiens à boucler les fins de mois. Les prix des produits d’épicerie ont augmenté au Canada à un rythme plus rapide que l’inflation globale, même s’ils ont également augmenté de façon spectaculaire partout dans le monde. De nombreux pays ont même vu les prix des aliments augmenter plus rapidement qu’au Canada.

Le soutien aux conservateurs, qui se sont fortement concentrés sur cette question depuis des mois, a également augmenté dans les sondages, aux dépens des libéraux. La décision de faire pression sur les grandes chaînes pour qu’elles s’attaquent à la hausse des prix faisait partie d’un ensemble de mesures annoncées par le premier ministre Justin Trudeau à la fin d’une réunion du caucus libéral, le mois dernier, qui visait à aborder le coût de la vie et la pénurie de logements.

« Pendant l’été, je pense que nous sommes tous allés écouter les Canadiens et il est devenu très clair, lorsque nous nous sommes réunis en caucus, que ce que nous avons entendu de la part des Canadiens concernait vraiment le logement et le coût de la vie », a expliqué M. Champagne lundi.

Mais l’opposition n’a pas apprécié l’approche adoptée pour résoudre ce problème. Les conservateurs ont critiqué les libéraux à propos du coût des aliments au supermarché, accusant le premier ministre d’être responsable de ces augmentations de prix dues aux dépenses de son gouvernement en période de déficits budgétaires. Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a qualifié de « ridicule » le plan du gouvernement libéral qui « consiste à demander gentiment aux PDG de réduire leurs prix ».

Pourtant, on ne sait pas exactement ce que le ministre Champagne pourrait faire d’autre, étant donné que l’épicerie, contrairement aux télécommunications, n’est pas une industrie réglementée par le gouvernement fédéral. Et le manque de détails de la part des grands épiciers eux-mêmes ne fait rien pour ajouter de la clarté dans ce dossier.

Les chaînes ne veulent pas s’avancer

La Presse Canadienne les a contactés la semaine dernière pour leur demander plus de détails sur les engagements pris à Ottawa. Loblaw et Costco n’ont pas répondu et Metro a refusé de commenter. Une porte-parole de Walmart a déclaré que l’entreprise avait promis de continuer à proposer des « prix bas quotidiens », ce qui fait référence à sa stratégie consistant à proposer des prix bas sur une base régulière, plutôt qu’en promotion seulement.

Pendant ce temps, une porte-parole de Sobeys, qui appartient à Empire, a répondu vendredi en disant que la société ne divulguait pas son plan pour des raisons de concurrence. « Nos projets sont sensibles sur le plan concurrentiel et nous n’avons pas l’intention d’en discuter avant leur lancement dans nos épiceries », a précisé Karen White-Boswell, directrice des communications externes d’Empire.

Cela contraste avec la situation similaire qui s’est produite en Europe au cours de la dernière année. Au Royaume-Uni, le géant de l’épicerie Asda a annoncé en juin son intention de geler les prix de 500 produits jusqu’à la fin du mois d’août. Le gouvernement français a quant à lui conclu un accord de trois mois avec les chaînes de supermarchés plus tôt cette année pour qu’elles réduisent les prix de centaines de produits de base et d’autres aliments.

Bien que le ministre Champagne ait régulièrement cité ces pays comme exemples à suivre, il a déclaré que les épiciers canadiens ne sont pas habitués à l’intervention gouvernementale - les convoquer à une réunion à Ottawa était déjà un grand pas à franchir pour le gouvernement fédéral. « Nous secouons l’arbre, a-t-il assuré. Il ne s’agit pas d’une industrie réglementée comme celle des télécommunications où ils sont habitués à travailler avec le gouvernement pour obtenir des résultats. »

Les libéraux ont affirmé que d’amener les grandes chaînes à stabiliser leurs prix était une façon de prendre des mesures immédiates pour répondre aux inquiétudes des consommateurs, mais M. Champagne a reconnu lundi que la solution aux prix élevés des aliments, à long terme, dépendait des forces du marché. « ° En fin de compte, trois entreprises au Canada et trois grands épiciers contrôlent plus de 60% du marché. Et la meilleure façon de résoudre ce problème et de stabiliser les prix à moyen et long termes est de créer davantage de concurrence », selon le ministre.

Les libéraux ont également déposé un projet de loi qui apporterait plusieurs changements à la loi sur la concurrence au Canada. Le projet de loi prévoit notamment que le Bureau de la concurrence puisse intenter une poursuite en cas de collaborations anticoncurrentielles entre des entreprises, comme les accords immobiliers qui interdisent à un concurrent d’ouvrir un magasin à proximité d’un autre supermarché. Le gouvernement fédéral promet depuis longtemps une vaste réforme de la Loi sur la concurrence, que de nombreux experts appellent de leurs vœux. Le ministre Champagne a promis que cette réforme serait adoptée, mais il n’a pas précisé à quel moment.

(avec La Presse Canadienne)

Mots-clés: Canada