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Crédit photo: Bastien Durand
||| Économie

La Vieille Europe tient bon face au Nouveau Monde

15 décembre 2023 | Par Bastien Durand

Plus qu’une épicerie, une institution. La Vieille Europe fêtera ses 65 ans d’existence en 2024 et elle n’a pas pris une ride. Nous avons poussé la porte de l’établissement pour comprendre les défis de cette épicerie fine bien connue des Montréalais.

En ce début d’après-midi, les clients ne se précipitent pas. Steve Da Silva, 48 ans, l’un des trois copropriétaires de La Vieille Europe, en profite pour passer quelques coups de fil entre les étalages bien garnis. Sa famille, originaire du Portugal, gère le commerce depuis les années 1970.

Le « Old European Meat Market », boucherie juive ouverte en 1959 sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal, s’est transformé au fil du temps. « C’est José Castanheira, un employé des anciens propriétaires, qui a eu l’idée de changer petit à petit les types de produits et de diversifier l’offre avec l’immigration européenne », explique Steve. Dans les rayons, les fromages français côtoient l’huile d’olive grecque et les saucissons fumés portugais.

Une des premières épiceries à proposer un café torréfié sur place, La Vieille Europe fait face, comme d’autres commerces indépendants, aux conséquences de la pandémie sur les habitudes de consommation, qui remettent petit à petit en question leur modèle d’affaires.

« Avec l’inflation et l’augmentation des coûts d’exploitation, la période est d’autant plus difficile, constate amèrement le propriétaire. L’équation devient compliquée pour nous. » Certes, les promotions et les spéciaux permettent d’attirer les consommateurs, mais le problème est à l’extérieur, pour le gérant.

Concurrence indirecte

À côté de l’établissement, un Pharmaprix, point sensible pour Steve. « Ce n’est pas normal qu’une pharmacie, qui est censée vendre des médicaments et des produits cosmétiques, propose des produits d’épicerie de base… Je n’ai jamais compris comment cela était possible. »

L’épicier condamne également les stations-service qui font du détail alimentaire. Si La Vieille Europe ne vise pas la même clientèle, elle subit une « concurrence indirecte », selon lui.

Alors qu’une étude sur le marché de l’épicerie au détail du bureau de la concurrence Canada soulevait « un besoin de concurrence pour maintenir les prix alimentaires bas pour les consommateurs » en juin dernier, des inquiétudes apparaissent pour les épiciers indépendants qui craignent de se faire racheter ou de disparaître à terme.

« Maintenir un lien privilégié avec le client est essentiel pour survivre »

À la fois épicerie de quartier et de spécialités, La Vieille Europe souhaite conserver son ADN. « Proposer des produits de qualité et maintenir un lien privilégié avec le client, c’est essentiel pour survivre sur le marché », estime Steve. Pour cela, il peut compter sur des employés aussi fidèles que sa clientèle du Plateau.

Adelina Cerqueira, 57 ans et sourire jusqu’aux oreilles derrière le comptoir, sert les clients comme lors de son premier jour. « Je travaille ici depuis 1984, je fais presque partie des meubles, s’amuse-t-elle. Des clients sont devenus des amis, c’est le fun ! » Pour Lina, comme les clients la surnomme, « l’important c’est l’échange, et il disparaît de nos jours, c’est bien dommage ».

Garder des employés qualifiés est le défi numéro un. « Lina et Jack, également dans l’équipe depuis 30 ans, sont des pièces maîtresses. Ils peuvent former les nouveaux, souvent les étudiants qui viennent travailler pour payer leurs études », indique Steve. Il le sait, sans en dire plus : des Lina et des Jack, il n’en trouvera probablement plus.

Pour ses 65 ans, l’épicerie s’offrira un beau cadeau : un site internet pour permettre aux clients de faire leurs emplettes en ligne, avec une possibilité de livraison via Poste Canada. « On teste déjà avec des clients réguliers, mais la plateforme sera opérationnelle à la mi-janvier », indique Steve.

Pour les fêtes, l’épicerie propose aussi une collection de boîtes gourmandes avec des produits « coups de cœur » de restaurateurs montréalais. Le propriétaire réfléchit à d’autres nouveautés. Une chose est sûre : La Vieille Europe ne compte pas tirer le rideau de sitôt.

Mots-clés: Montréal (06)