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Crédit photo: Une Touche d'ail
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L’ail du Québec fait sa place sur les étals

26 décembre 2023 | Par Alexandra Duchaine

L’ail importé de Chine et d’Espagne règne en maître dans nos assiettes. Cependant, celui qui est cultivé au Québec s’y fait de plus en plus remarquer, grâce aux efforts des producteurs d’ici. Tour d’horizon de cet aliment en plein essor.

Nicolas Taillefer et sa conjointe Karine Fournier sont devenus cet été, à 22 ans, les premiers agriculteurs québécois à même de fournir une grande chaîne d’épicerie en ail toute l’année durant. Les bulbes de leur entreprise, Une Touche d’Ail, ont en effet débarqué dans les rayons des supermarchés IGA en août dernier. Une réussite qu’ils doivent à leur croissance exponentielle : en 2020, le couple possédait 8 acres de champ à Saint-Anicet (Montérégie) ; en 2023, 88.

Si aucun producteur local n’avait encore réalisé cet exploit, ce serait notamment pour une question d’argent, suppose Nicolas Taillefer : « Ça prend des investissements massifs pour faire du volume. » Comme dans toutes les récoltes, il faut de la machinerie, mais dans ce cas-ci, de grandes surfaces sont également nécessaires. « Quand on parle d’ail, si l’on dit qu’on cultive 4 acres, ça en prend 12 pour réussir. Il faut compter 4 fois la superficie qu’on produit pour faire des rotations de culture, car il y a beaucoup de préparation à faire pour les années suivantes afin que la terre soit saine », soutient Amélie Lessard, qui laboure, elle, le sol beauceron pour offrir des produits à base d’ail noir sous la marque La terre du 9.

Le Québec tire également de l’arrière en raison de ses hivers. La plante potagère herbacée a en effet besoin de plusieurs mois de croissance, et les bulbes peuvent être plantés au printemps pour être récoltés plus tard en été, ou encore à l’automne pour être sortis de terre après les jours froids. Pendant la saison polaire, l’ail de chez nous est en dormance, à l’inverse d’autres pays où il fait plus chaud, explique Nicolas Taillefer. « On n’a pas les mêmes rendements qu’en Europe, en Espagne ou en France, à cause de la neige. La culture est beaucoup plus productive là-bas », argue le maraîcher.

15 à 20 $ le kilo d’ail québécois, 3 à 4 $ le kilo d’ail chinois

Le prix du condiment québécois est donc de 2 à 5 fois plus élevé que celui de la Chine. Il coûte entre 10 et 12 $ le kilo en période de récolte et peut monter à 15 ou 20 $ le kilo en hiver, contrairement à son concurrent asiatique qui se vend entre 3 et 4 $ le kilo. N’empêche, dans la province, la production d’ail connaît une croissance fulgurante. Selon Statistique Canada, 53 tonnes ont été récoltées au Québec en 2005, contre 445 en 2017 et 685 en 2022. Mais notre territoire peut se rhabiller face au plus grand producteur mondial, la Chine, qui a généré plus de 20 millions de tonnes d’ail en 2021, selon les dernières données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Il est également difficile de mettre la main sur des quantités importantes d’ail sans enveloppes. « Actuellement, l’ail pelé vient exclusivement de Chine ou d’Espagne. On ne fait pas d’assez grands volumes pour ça au Québec, explique le producteur d’ail Nicolas Taillefer. S’il y en avait, ce serait une petite révolution… » Une révolution qui ne devrait pas tarder à survenir, si l’on se fie au sourire malicieux du jeune homme : ce dernier s’affaire, sans vouloir en dire plus, à développer un produit qui viendrait répondre aux besoins des artisans de la table de la province.

Si l’ail se garde très bien et longtemps, il faut toutefois l’entreposer dans des conditions optimales, dans un endroit pas trop sec pour éviter qu’il ne sèche et pas trop humide pour empêcher qu’il ne germe. Nicolas Taillefer suggère un lieu à l’abri du soleil, tempéré à 18°C, où l’on retrouve 60% d’humidité. « L’avantage de l’ail du Québec, c’est qu’il a une belle durée de vie, fait remarquer Amélie Lessard. On peut très bien le conserver entre 10 et 12 mois. Les consommateurs commencent d’ailleurs à s’en rendre compte, car il y a un engouement : les gens en stockent de plus en plus. »

La maraîchère fait partie de ceux qui, par leur travail, propulsent le secteur de l’ail québécois. Rien ne laissait toutefois présager qu’elle porterait un jour ce chapeau, mis à part une enfance passée dans une ferme laitière : elle a étudié en gestion hôtelière, puis s’est spécialisée sur le marché du travail en comptabilité avant d’acquérir, avec son conjoint, une parcelle de terre en Beauce. « On aime faire découvrir plein de saveurs. On veut amener le consommateur ailleurs. On fait de l’ail, oui, mais on en fait plusieurs variétés, à peu près une dizaine par année. On en ajoute, on en enlève, et il y en a qu’on garde parce que ce sont des coups de cœur », confie-t-elle.

L’ail noir a la cote

Dans leur désir de démocratiser l’étendue gustative du condiment québécois, le couple, qui travaille avec ses deux adolescents, propose aux consommateurs des produits bien spéciaux : une purée, du sel et du vinaigre à l’ail noir. L’ail noir n’est pas une variété ; c’est plutôt le résultat d’un processus thermique. On dispose l’ail blanc à température et humidité contrôlées durant 30 à 40 jours. « Ce sont les sucres de l’ail qui deviennent naturellement sucrés, et le bulbe va vraiment acquérir une nouvelle saveur. On perd le goût fort, brut de l’ail qu’on connaît, car il va goûter un peu le vinaigre balsamique, avec un petit côté caramel torréfié », explique Amélie Lessard.

En fait, l’ail noir, que l’on retrouve de plus en plus, aurait un goût d’umami. Il peut être utilisé dans les sauces, les bouillons, les marinades, les vinaigrettes et même les desserts. « À la maison, on fait une crème fouettée à l’ail noir : c’est vraiment succulent. Et on fait toujours notre shortcake aux fraises avec ça ! » ajoute la productrice. Elle adore également en mettre dans ses grilled cheese et ses plats de poisson…

L’article est issu de notre magazine Détaillant Alimentaire Automne 2023.

Mots-clés: Québec