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POINT DE VUE

De la tirelire à la banque

 
24 octobre 2023 | Par Robert Dion

Dans le monde du commerce alimentaire de détail, une des tendances qui a bouleversé nos façons de faire en un temps record est bien le passage de l’argent comptant à l’argent virtuel.

Quand on examine les montants payés en argent comptant, on réalise rapidement que, pour de nombreux détaillants, cette somme est inférieure à 1% du chiffre d’affaires. Il y a à peine deux ans, elle avoisinait les 15 à 20%. Il y a 10 ans, nous étions dans les 85%.

Ce glissement, qui s’est effectué un peu comme par magie, doit nous faire réaliser bien des choses. Cette évolution – voire révolution – marque un tournant important de notre façon de gérer nos commerces et elle va nous pousser à prendre des décisions qui auront un impact majeur sur notre réalité des prochaines années. Certaines enseignes ont même commencé à bannir l’argent comptant de leurs établissements de détail…

Si les magasins en libre-service sont déjà en train de pointer le bout de leur nez ici, ils sont déjà très présents ailleurs. Sans dire que ce concept sera pratique courante, il est déjà temps de se préparer à une telle éventualité, que ce soit en prolongeant les heures d’ouverture sans présence de personnel ou en consacrant des sections de caisse à ceux qui voudront acheter sans argent. Cela nous permettra de servir différentes clientèles ayant différents besoins.

J’entends d’ici des gens me dire que, en cas de panne d’appareil, l’argent comptant est nécessaire. Je vous l’accorde, mais sachez que la 5G ainsi que d’autres technologies plus puissantes permettront de limiter, voire d’éliminer cette préoccupation. On le voit en allant à Aisle 24, à LIB Dépanneur ou au Couche-Tard, qui teste actuellement un magasin sans contact. Cette réalité est bien présente.

Ce n’est pas votre métier qui a changé, mais bien la façon de le faire. S’adapter au changement fait maintenant partie de votre ordre du jour quotidien.

Robert Dion, fondateur - éditeur de Détaillant Alimentaire
[email protected]

 
 

Nicolas Fabien-Ouellet :

Marchés publics, marchés pour tous !

 
28 novembre 2023 | Par Marie-Carole Daigle

L’actuel directeur général des Marchés publics de Montréal a de toute évidence, la passion d’acheminer des produits frais jusqu’au consommateur et celle de permettre à nos producteurs agricoles de prospérer.

Nicolas Fabien-Ouellet a fait des études en ingénierie des bioressources à l’Université McGill à Montréal, ce qui en disait déjà long sur sa passion naissante. Puis il a continué d’apprendre à la University of Vermont, à Burlington aux États-Unis, où il a décroché en 2017 une maîtrise en sciences - Systèmes alimentaires. Tout cela en étant lui-même agriculteur à Bromont, ce qui l’a amené à explorer le circuit de production d’une quarantaine de légumes, de la préparation des sols à la vente au consommateur. Il se joint en 2018 à l’équipe des Marchés publics de Montréal, organisme qui regroupe les marchés Atwater, Jean-Talon et Maisonneuve, de même que les marchés de Quartier et Solidaires. Nicolas Fabien-Ouellet en devient le directeur général dès 2020, année de perturbations par excellence. Depuis juillet 2021, il est également président du conseil d’administration de l’Association des marchés publics du Québec (AMPQ).

« Depuis mon arrivée, nous avons bien sûr traversé la pandémie. Or, dans la foulée de cet épisode, j’ai constaté un regain d’intérêt envers l’achat local… qui se maintient ! s’enthousiasme Nicolas Fabien-Ouellet. Le marché public est le plus vieux mode de commercialisation que nous ayons, et il suscite beaucoup d’intérêt et de curiosité. Les gens sont de plus en plus désireux de connaître l’histoire des produits qu’ils trouvent au marché ; ils aiment échanger avec les producteurs et artisans, savoir qui sont ces gens derrière ce qu’ils achètent, et aussi dénicher des aliments qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs. »

Les jeunes ménages sont particulièrement nombreux à adopter ces valeurs de proximité et de transparence, estime le gestionnaire. « Ils sont de mieux en mieux informés et ils adorent ces privilèges offerts par le marché public : l’accès à des aliments produits en trop petites quantités ou trop fragiles pour être commercialisés autrement, ou encore la possibilité d’y accéder avant tout le monde, comme les framboises jaunes ou certaines variétés de rhubarbe. Le marché public est aussi un lieu où les producteurs vont tester de nouveaux produits, question de recevoir directement les commentaires du consommateur avant d’aller plus loin dans leur commercialisation. » C’est donc un endroit où le détaillant à l’affût de nouveautés trouve immanquablement son compte. « Sans compter que tout cela est souvent offert en emballages qui s’approchent du zéro déchet ! »

Le marché de demain ?

Mais il faut faire plus, est convaincu le directeur général. « Le marché public est parfaitement placé pour faire œuvre sociétale, et c’est ce à quoi je me suis attelé. » Il n’a pas chômé, car trois grands programmes qui lui tiennent à cœur sont déjà en place. « Je cherche à faire redécouvrir le marché autrement », explique Nicolas Fabien-Ouellet. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a réactivé l’événementiel en retenant des thématiques comme la « Foire des vins et cidres d’ici ». Avec la piétonnisation à laquelle s’ajoute parfois aussi de l’animation pour les familles, ce qui rend les marchés festifs, l’expérience du visiteur est bonifiée.

« Déjà, plusieurs petits détaillants se font livrer ou viennent s’approvisionner au marché. De grandes tables de Montréal et des petits détaillants spécialisés s’y présentent aussi. Nous pourrions aussi recruter encore plus de producteurs et élargir l’offre hivernale, conclut Nicolas Fabien-Ouellet. En fait, je voudrais que le marché public devienne une destination, pour le consommateur comme pour les commerçants. »

Le marché public : un citoyen responsable

  • Tous à table !
    « Lancé en janvier dernier, Tous à table ! nous permet de venir concrètement en aide aux ménages à faibles revenus, dit Nicolas Fabien-Ouellet. Grâce au soutien financier de commanditaires comme le Mouvement Desjardins, nous avons pu remettre 50 000 $ en bons d’achat des Marchés publics de Montréal à des familles de Rosemont–La-Petite-Patrie. Cela accroît bien sûr l’achalandage des marchés, mais notre but est surtout de permettre à ces familles de choisir elles-mêmes leurs aliments en faisant leur marché comme tout le monde, près de chez elles ! Le retour des familles touchées est très positif, et nous espérons pouvoir sécuriser le programme en obtenant encore plus d’aide financière l’an prochain. »
  • Kiosques de la Relève
    « Les marchés publics sont étroitement liés aux défis du monde agricole. En agriculture, ils sont innombrables, ne serait-ce que pour acquérir la terre, trouver la main-d’œuvre, obtenir les certifications, etc. Si le producteur doit en plus investir dans un kiosque simplement pour avoir l’occasion de s’approcher du consommateur, ça commence à faire beaucoup ! Voilà pourquoi nous avons créé, à la demande de la relève agricole, les "Kiosques de la Relève". Il s’agit en fait d’installations clés en main, déjà sur place, que tout producteur ayant moins de cinq ans d’activité peut louer à la journée. Un programme de l’UPA finance le loyer à 50%. Les deux premières années, 23 entreprises agricoles ont profité de ces installations pour faire connaître leurs plus beaux produits. Avec tout cela, on élimine vraiment – ou presque – tout frein à la commercialisation. »
  • Récolte engagée
    Le programme de récupération et de revalorisation alimentaire Récolte engagée est un autre programme cher aux yeux du gestionnaire. Dans ce programme, en place aux marchés Atwater et Jean-Talon, les marchands peuvent donner leurs invendus à des organismes partenaires actifs dans les quartiers avoisinants. Ceux-ci les distribuent en paniers ou les transforment en prêt-à-manger. « C’est une façon de lutter contre la faim et le gaspillage alimentaire », se réjouit Nicolas Fabien-Ouellet. À l’été 2022 seulement, 10 795 kg de fruits et légumes de plus d’une soixantaine de variétés, ont ainsi été redirigés.
 
 

DOSSIER

Vols et pertes : comment y faire face

 
24 octobre 2023 | Par Gabrielle Brassard-Lecours

Qu’il s’agisse de vols commis par des clients ou de pertes accidentelles causées par des employés, les commerçants se doivent de prévenir le plus possible ce fléau, qui n’est pas aidé par la hausse des prix des produits.

« Les pertes et le vol sont incontournables quand on a un commerce. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours », affirme Laurence Zert, présidente-directrice générale du Comité sectoriel de main-d’œuvre du commerce de l’alimentation (CSMOCA). On entend par « pertes et vols » un vol de produit par un client, donc une fraude. Cependant, il peut aussi s’agir d’un employé qui ouvre mal une caisse de produits et brise une partie de son contenu, ou encore l’abîme accidentellement lors d’une manipulation. « Tous ces faits représentent des pertes financières importantes pour une entreprise, qui n’a pas le choix de les prévoir dans son budget », explique la directrice.

D’autres facteurs peuvent entraîner des pertes : les caisses en libre-service, les cartes cadeaux parfois fausses, et même une pause d’employé trop longue. « Par exemple, nous avons maintenant des caisses automatiques, et un client peut oublier, volontairement ou non, un produit dans le panier ou ne pas scanner exactement le bon code pour un fruit ou un légume », ajoute Michel Rochette, président du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

Au-delà de l’inflation, qui joue sur la hausse de prix des produits, la rareté de la main-d’œuvre ainsi que la technologie sont des facteurs qui expliquent aussi que plus de vols sont constatés par le CCCD depuis quelques années. D’après un porte-parole de la Sûreté du Québec en entrevue à La Presse, 1706 vols à l’étalage ont été commis au Québec en 2022, comparativement à 1478 en 2021. L’article stipule aussi que, pendant la pandémie, l’entreprise GardaWorld a vu la demande en détectives « de plancher » augmenter de 25%, et de 50% avec l’inflation.

« Il y a moins de personnel disponible pour surveiller les caisses et la clientèle. On fait donc appel à la technologie en ayant des caisses intelligentes, mais cette méthode repose sur la confiance que chacun a envers l’autre, mentionne le président du CCCD. Cela laisse donc parfois plus de place au geste individuel, comme un vol, parce que les gens se sentent moins surveillés. Dans le cas du vol à l’étalage, on constate que ce sont des gestes de moins en moins isolés, notamment en raison de l’explosion des sites de revente en ligne, qui facilitent énormément la vie à ceux qui pourraient voler pour revendre. »

À cause de la pénurie de main-d’œuvre, on se retrouve aussi parfois avec certains employés jeunes et manquant d’expérience. « Certains voleurs sont spécialisés dans la manipulation : ils vont, par exemple adopter un ton agressif, ou négocier le montant de la monnaie qui doit leur être rendue pour obtenir plus d’argent », illustre Laurence Zert.

Prévenir plutôt que guérir

Quoi faire, donc, pour contrer ce fléau ? De l’avis des deux gestionnaires, tout passe par la prévention. De concert avec les propriétaires de commerces et les syndicats, le CSMOCA a récemment mis sur pied une formation à l’usage de ses membres intitulée Alerte aux pertes. On y apprend notamment comment prévenir les risques de vols en magasin, à la caisse et en interne, et comment y réagir.

« La formation répond à un besoin, sans incriminer les employés. La grande majorité d’entre eux ne sont pas des voleurs, mais en expliquant ce que sont les pertes, on peut mieux comprendre comment certaines actions peuvent occasionner des pertes sans que l’on s’en rende compte, explique Laurence Zert. Des caméras de surveillance, des gardiens de sécurité devant certaines entrées, des affiches qui préviennent le client des conséquences s’il commet un vol, des politiques internes et des manuels de mode d’emploi transmis aux employés au moment de leur embauche ; tout ça, c’est de la prévention. »

Michel Rochette complète en expliquant que d’autres mesures peuvent être mises en place pour prévenir des gestes répréhensibles. Par exemple, on peut s’assurer de vérifier les antécédents d’un candidat avant son embauche, poster des employés autour des caisses en libre-service pour s’assurer qu’aucun produit n’a été oublié dans le panier et au scan, ou encore organiser l’éclairage, les lieux physiques et la sécurité du commerce de façon à ce que les employés ne soient jamais seuls.

« Certains commerces ont aussi du personnel qui demande à voir le reçu des clients avant leur sortie. Ce n’est pas une pratique que les commerçants apprécient, mais ça envoie tout de même un signal. On ne veut pas faciliter la vie à ceux qui souhaiteraient voler », explique le président. Savoir comment réagir en cas de vol ou d’infraction fait aussi partie des formations offertes par les deux organismes.

Mettre en commun les données

Étant également partisan de la prévention, Michel Rochette explique que son regroupement travaille activement à récolter un maximum de données sur les vols et les pertes, afin de trouver des solutions de concert avec tous les acteurs impliqués. « Tout ça est difficile à quantifier parce que les commerçants ne parlent généralement pas avec tout le monde quand un vol arrive. Mais nous les encourageons à au moins en parler à la police quand c’est nécessaire », recommande-t-il.

Au Québec et ailleurs au Canada (en Colombie-Britannique, en Alberta et au Manitoba, notamment), le CCCD travaille à réunir les corps policiers, les commerçants et les gouvernements autour d’une même table pour qu’ils mettent en commun un peu plus d’information et de données. « Quand nous avons compris qu’il y avait souvent quatre ou cinq voleurs qui travaillaient pour une même organisation, on a pu faire démanteler à certains endroits des entrepôts qui étaient très organisés. Dans certains cas, on parle carrément de vol structuré, relate Michel Rochette. L’important, c’est de se préparer, d’avoir de meilleures technologies et des approches efficaces en matière de surveillance. Le secret, c’est de dissuader les gens de faire un geste répréhensible en comprenant qu’il y a des conséquences élevées à le poser. »

Différentes initiatives dans le monde

Au Québec, Couche-Tard a mis sur pied un magasin-laboratoire d’innovation de commerce au détail sur le campus de l’Université McGill à Montréal. À l’été 2022, la chaîne a déployé des caisses intelligentes dans plus de 7000 magasins Couche-Tard et Circle K. « Le système de caisses libre-service alimenté par intelligence artificielle conçu par Mashgin permettra d’accélérer jusqu’à 400% le temps de passage à la caisse des clients et clientes, offrant ainsi aux employés en magasin plus de temps pour aider les clients », indique la chaîne.

En France, des dispositifs antivol ont été placés sur le poisson et la viande dans des frigos réfrigérés. « À l’ère des réseaux sociaux, je ne suis pas sûre que ça passerait ici, des cadenas sur des frigos », se questionne Laurence Zert. Pour ce qui est des contrôles aléatoires (une autre pratique établie dans certains commerces en Europe), la directrice croit que cela coûterait beaucoup trop cher à implanter ici, non seulement sur le plan financier, mais également en ce qui a trait à l’image et à la notoriété du commerce qui mettrait une telle mesure en place. « Plus il y a d’outils qui permettent le vol, plus il y en a qui permettent également de le prévenir, conclut Michel Rochette. C’est une guerre qu’on essaie de gagner, pour éviter que ça se retrouve dans les prix que les gens honnêtes doivent payer. »

 
 

PRÊT-À-MANGER

La rentrée des tendances

 
24 octobre 2023 | Par Léa Villalba

Le prêt-à-manger a une place privilégiée dans nos épiceries et comptoirs de nourriture. Tantôt santé, tantôt réconfortant, il se doit d’attirer un vaste public, des étudiants aux travailleurs en passant par les familles. Quelles sont les nouvelles tendances pour s’ouvrir à un marché de consommateurs toujours plus grand ?

« Il y avait un manque dans l’offre alimentaire de dépanneur. Les gens sont de plus en plus soucieux de bien s’alimenter, et quand on pensait aux snacks ou aux boissons d’un dépanneur, à la friture ou des sandwichs sous vide qui sont bons trois mois, on trouvait qu’il y avait de la place pour un repas frais, une option qui donne envie », relate Sarah Major Charron, directrice, Stratégie de marque du réseau Parkland, dont l’une des marques au Québec est Marché Express. Ainsi, pour pallier les offres peu qualitatives des dépanneurs, Parkland a décidé en janvier 2022 de faire l’acquisition des Aliments M&M, « des produits de grande qualité, sans agents de conservation ni colorants artificiels », indique la directrice.

Selon l’entreprise, M&M rime pour le consommateur canadien avec « petites bouchées ». C’est donc autour du concept de « Bouchées du Marché » que Parkland a ouvert un tout premier magasin à Montréal cet été. « On y offre 30 produits variés, qui vont du sandwich déjeuner au souper, en passant par les bols, une offre végétarienne, des bouchées de gâteau au fromage et autres desserts », énumère Sarah Major Charron. Pour Marché Express, il était important de respecter la promesse des Aliments M&M, à savoir de garantir la fraîcheur et la qualité des aliments tout en proposant des offres sur le pouce.

Avec Bouchées du Marché par Les Aliments M&M, Marché Express espère proposer un nouveau type de dépanneur. « On utilise les aliments surgelés déjà offerts par Les Aliments M&M, on les réchauffe et les assemble. La préparation requise est minimale », explique la directrice. Selon elle, le surgelé permet d’éviter beaucoup de pertes : « On prépare seulement à la demande du client, le tout dans un délai extrêmement rapide. Ça nous permet donc d’offrir du frais, sans compromis. »

Le Marché Nicolas, à Percé (Gaspésie), se veut lui aussi « plus qu’un dépanneur ». Bien qu’il offre des services classiques, comme une station essence et des produits à grignoter, il plaît à une plus vaste clientèle grâce à son comptoir SAQ ou encore à ses sushis et à son service traiteur. Les dépanneurs aussi ont varié leur offre ces dernières années. Il n’est désormais pas rare de pouvoir se procurer un Général Tao ou des burgers dans un Couche-Tard.

Du dépanneur à la boucherie en passant par les épiceries, la plupart des enseignes proposent désormais des plats variés en version prêt-à-manger. La Boucherie Delta, à Québec, propose sur son site internet une imposante page de produits préparés, comme des nouilles chinoises, un mac’n cheese au bacon gratiné ou encore des côtes levées cuites, fumées et caramélisées. On peut aussi penser à la poissonnerie Odessa, qui propose, encore une fois directement sur son site internet, des boîtes-repas Terre & Mer ou de la guédille de homard. On est donc loin de l’image fade et de piètre qualité du prêt-à-manger d’il y a quelques décennies.

Des avantages clés

Cela fait maintenant deux ans et demi que Marc Pigeon est responsable du prêt-à-manger de La Croûte, offert en dépanneur. C’est une façon de s’alimenter qui ne présente que des avantages, selon ce cuisinier d’expérience. « C’est frais, sans conservateur, à portée de main et pas cher », se réjouit-il. La rapidité est l’un des avantages clés du prêt-à-manger. Lorsqu’il élabore ses recettes, Marc Pigeon garde en tête qu’elles doivent se faire facilement, mais aussi se consommer vite – et parfois en conduisant ou en marchant. C’est dans cette optique que La Croûte offre principalement des sandwichs et des sous-marins.

En plus de la rapidité, la qualité est aussi un atout souligné par les deux professionnels du prêt-à-manger interrogés. « Je vais chercher moi-même les fruits et légumes et je prends le plus possible du local », précise Marc Pigeon. Pour Sarah Major Charron, c’est le surgelé qui permet de garder une qualité supérieure : « C’est une façon très efficace de préserver la fraîcheur et les valeurs nutritionnelles des aliments ». Prévenir les allergies fait aussi partie de la promesse de La Croûte, qui n’utilise aucun produit d’arachide dans sa cuisine de préparation et travaille seulement avec de la mayonnaise sans gluten. L’entreprise Cookit, qui vient de lancer des repas prêts à manger pour enfants, s’est aussi adaptée aux restrictions alimentaires de plus en plus nombreuses. Ainsi, ses lunchs sont exempts de noix et d’arachides.

Autres qualités requises dans le secteur du prêt-à-manger : non seulement la diversité des menus proposés, mais aussi leur polyvalence. « Les gens peuvent acheter directement leur repas en demandant au personnel, mais aussi acheter le plat surgelé et le faire à la maison. Si un client a aimé manger quelque chose sur place, il peut donc ensuite le refaire chez lui », poursuit la directrice de Parkland. Le prix reste aussi l’un des attraits principaux. À La Croûte ou aux Bouchées du Marché, plusieurs produits se situent en dessous de 10 $. Même chose du côté de Cook it, qui propose des repas à 7 $ et des collations à 0,95 $. Des prix qui semblent fonctionner pour La Croûte, qui gagne en une semaine 2000 $ rien qu’en sandwichs, vendus à l’unité entre 5 et 6 $.

Tout ça pour qui ?

Chez La Croûte, qui détient une boutique physique à Québec, la clientèle est variée. Du travailleur de la construction en passant par les habitants des blocs autour et les familles, le dépanneur nouveau genre a su ravir les papilles d’un bon nombre de clientèles. Le magasin devrait rester exclusif pour l’instant. « On ne veut pas ouvrir d’autres succursales, mais on peut prendre des demandes supplémentaires », dit Marc Pigeon. En plus de fournir des dépanneurs, La Croûte propose la livraison de boîtes à lunch dans les bureaux alentour, un service qui permet d’élargir la clientèle. Avant la pandémie, La Croûte offrait aussi un service traiteur. Aujourd’hui, 90% du travail s’effectue dans le dépanneur même et dans la livraison de lunchs. La petite équipe de neuf employés espère pouvoir développer de nouveau l’offre extérieure.

Déjà implanté dans plus d’un millier de dépanneurs partout au Canada, Parkland connaît pour sa part très bien cette clientèle. Cependant, son magasin de Montréal est seulement la deuxième succursale urbaine sans station essence, ainsi que la première à offrir le concept Bouchées du Marché. « Une bonne façon d’apprendre », estime la directrice. Selon elle, les familles devraient notamment répondre à l’appel : l’offre a été constituée selon les recommandations du Guide alimentaire canadien et prévoit d’utiliser des produits entièrement locaux.

Les travailleurs seuls constitueraient aussi une clientèle cible pour Parkland. « Cuisiner pour une personne, ce n’est pas toujours motivant. Cette clientèle nous a souvent dit qu’elle fréquentait les restaurants rapides, mais qu’elle y trouvait souvent des menus trop semblables… » De nos jours, il est difficile d’être épicier et détaillant alimentaire sans penser à son offre de prêt-à-manger. Cette rentrée 2023 semble être l’année de toutes les offres préparées pour les consommateurs ; même les publicités mettent de l’avant leurs produits phares de prêt-à-manger. Plus qu’une offre, c’est toute une expérience que les professionnels tentent de créer pour les consommateurs, et le prêt-à-manger est en voie de conquérir des marchés de plus en plus nombreux et variés.

 
 

PRODUIT

Rendre le surgelé hot

 
10 janvier 2024 | Par Léa Villalba

La catégorie n’est plus délaissée par les entrepreneurs, qui proposent des produits locaux et de qualité afin de répondre aux différentes clientèles ou de correspondre au haut de gamme. Quelles sont les tendances chaudes de l’univers du surgelé ?

Au départ, c’est pour faire gagner du temps aux familles pressées de leur immeuble que Jessica Avoine et son conjoint Éric Leclerc ont pensé à faire des repas surgelés. Douze ans après le lancement de leur entreprise Les Trois Chefs, ils sont encore convaincus des avantages de cette méthode de conservation. « Contrairement à une congélation lente, la surgélation permet de conserver tous les nutriments des aliments. On évite aussi les pertes en dégelant seulement ce dont on a besoin », énumère Éric Leclerc.

Même constat chez Platon Gavrielatos, PDG de Below Zero, producteur alimentaire et importateur de fruits et légumes surgelés, qui encourage les détaillants alimentaires à vendre du surgelé. « C’est forcément gagnant puisqu’ils ne subiront aucun gaspillage. Le surgelé peut rester longtemps sans perdre sa qualité. Ceci diminue énormément le nombre de produits périmés que l’épicier ne peut plus vendre, explique-t-il. Le rayon du surgelé a certainement pris le dessus comparativement au frais. C’est maintenant devenu une catégorie prédominante. » La pandémie de COVID-19 a aussi changé la donne : les consommateurs se sont davantage tournés vers le surgelé. « Ils souhaitent avoir quelque chose de pratique et rapide à cuisiner », conclut-il.

Andrew Facchino, copropriétaire des Marchés Tau à Montréal, abonde : « C’est une catégorie en croissance, donc nous envisageons d’agrandir à moyen terme la place qu’elle prend chez nous. » Dans ses Marchés Tau, la clientèle du surgelé est très variée. « La catégorie des surgelés est vaste et diversifiée : on peut aller de la nourriture pour nourrissons aux plats individuels prêts à servir. On touche tant les jeunes familles que les personnes âgées », ajoute M. Facchino.

Au fil du temps, le surgelé a en effet continué à être utile non seulement pour les gros marchés mais aussi, et de plus en plus, pour les plus petits détaillants. Et les chiffres prouvent bien l’intérêt des consommateurs : selon le Rapport 2022 sur le secteur des aliments transformés de Financement agricole Canada, la vente de produits surgelés devrait se poursuivre « grâce à l’innovation continue en matière de produits qui est axée sur des options saines ». Par exemple, les ventes de fruits et légumes surgelés ont connu une croissance de plus de 25% en 2020. Selon Éric Leclerc, il s’agit d’un atout pour les épiciers et détaillants : « Comme les gens cuisinent de plus en plus, il est intéressant de leur proposer un accès facile à la gastronomie ou à des aliments frais de qualité, qui se préparent en un temps record. De plus, c’est complémentaire à une cuisine traditionnelle et fraîche ; on peut facilement l’ajouter à un accompagnement déjà préparé, par exemple ».

Des méthodes à respecter

La technologie de surgélation a beaucoup évolué ces dernières années, pour se démocratiser. Les refroidisseurs à air, communément appelés blast chillers, n’ont jamais été aussi polyvalents et performants. À Below Zero, on utilise la technologie IQF (Individual Quick Freezing). Cette technologie n’a pas beaucoup évolué récemment, mais elle a révolutionné l’univers du surgelé. Grâce à son temps de congélation très court et rapide, cette technique permet de garder la fraîcheur du produit, même en petites quantités. Le contenu nutritionnel, dont l’ensemble des vitamines et minéraux, est aussi conservé. Cette technologie évite la formation de gros cristaux de glace qui abîment les cellules, par exemple celles de la viande. C’est aussi cette technologie que Les Trois Chefs utilisent pour offrir des produits à une clientèle tant individuelle et familiale que d’entreprise.

Pour conserver au maximum les valeurs nutritives d’un produit, il faut cependant savoir bien le faire décongeler. Pour Les Trois Chefs, tout est écrit sur l’emballage, notamment dans le cas des mets préparés. « La plupart du temps, il faut percer la pellicule de sous vide avec un ou deux trous puis réchauffer au micro-ondes le temps indiqué. Le produit ne sèche pas grâce au sous vide, et ça donne un meilleur résultat », précise M. Leclerc. Il est aussi possible d’utiliser la cuisson au bain-marie (casserole et eau) ; c’est pratique pour les gens qui veulent manger en plein air.

Below Zero croit qu’il est surtout important d’avoir un « excellent système de logistique de distribution ». Et comme l’entreprise importe des fruits et légumes surgelés de partout dans le monde, il lui est aussi essentiel de bien connaître les cycles agricoles de chaque pays.

Se réinventer

L’image du surgelé a évolué, mais reste encore à redorer, pense Éric Leclerc : « Une grande partie des consommateurs québécois ont l’idée du surgelé d’il y a 15 ans, peu goûteux, trop salé, et avec trop d’agents conservateurs et d’additifs alimentaires… Or, ce n’est plus vrai maintenant ». Plusieurs de ses commandes proviennent d’ailleurs de restaurants eux-mêmes. « Ceux qui l’essaient l’adoptent. Ils comprennent qu’on peut avoir de la qualité en peu de temps grâce au surgelé, en plus d’éviter des pertes. » Le surgelé a su aussi se réinventer et explorer de nouveaux terrains culinaires : on pense par exemple à l’entreprise La Cheffe, conçue par Khadija El Bouhali. Ses plats surgelés tirés de recettes du pays d’origine de neuf femmes (Cameroun, Japon, Iran, Haïti, etc.) ont fait leur entrée dans les épiceries IGA en 2021.

L’évolution du surgelé s’est aussi faite dans ses emballages. « Avec le temps, la qualité de l’emballage s’est beaucoup améliorée », explique Éric Leclerc. Chez Les Trois Chefs, le sous vide domine. « Notre emballage sous vide procure une durée de conservation prolongée. Ça nous permet d’avoir des produits qui se conservent quasi infiniment et donc, encore une fois, d’éviter le gaspillage alimentaire », dit-il. Au départ, Les Trois Chefs utilisaient des plats avec couvercle hermétique, mais rapidement l’entreprise a voulu changer. « Comme on n’utilise pas d’agent ou de gaz de conservation, on a mis de côté cette technique afin d’offrir un produit davantage de qualité », poursuit l’entrepreneur. De plus, il met de l’avant l’écologie dans ses emballages : des pellicules en plastique recyclable de calibre alimentaire.

Du côté de Below Zero, les pochettes stand-up d’une capacité de 600 grammes ont longtemps été utilisées afin que le consommateur puisse « bien voir le visuel de l’emballage ». Cependant, il y a quelque temps, l’entreprise a misé sur les sacs transparents qui permettent de contenir un kilo de produit. « Ça s’empile mieux, et le consommateur peut voir le produit », dit Platon Gavrielatos. Cette décision a finalement eu un double effet : « Dans le contexte de l’inflation, cela nous aide à diminuer notre coût et nous permet de proposer un meilleur prix au consommateur. »

M. Gavrielatos trouve important qu’en tant qu’épicier ou détaillant alimentaire, on soit créatif dans sa manière de promouvoir les produits surgelés. « Je pense qu’une des meilleures façons de l’être est de faire des démonstrations. Par exemple, l’épicier peut offrir des smoothies faits avec nos fruits surgelés. Ce type de marketing permet de vendre son produit cinq fois plus vite qu’en temps normal. » Aux Marchés Tau, les produits surgelés sont mis de l’avant « en collaboration avec les fournisseurs », explique M. Facchino : « On propose des promotions ainsi que des dégustations, et on éduque les consommateurs au moyen de nos réseaux sociaux… »

Petit guide de décongélation

À faire :

  • La décongélation du produit au réfrigérateur, entre 0°C et 4°C, est la méthode la plus sécuritaire.
  • Mettre le produit au four à micro-ondes juste avant sa cuisson.
  • Mettre le produit au four traditionnel en combinant décongélation et cuisson.
  • Mettre le produit (emballé ou non) dans un contenant complètement immergé dans de l’eau potable froide. Changer l’eau régulièrement pour qu’elle reste à 21°C ou moins.
  • Pour la décongélation de poisson fumé emballé sous vide, ouvrir ou enlever l’emballage avant de placer l’aliment au réfrigérateur pour le faire décongeler.

À ne pas faire :

  • Ne jamais faire décongeler un aliment périssable, comme des viandes fraîches, des poissons et des fruits de mer, des charcuteries et des pâtés, à la température de la pièce : les surfaces extérieures de l’aliment qui décongèlent en premier sont alors exposées trop longtemps à des températures favorisant la multiplication des bactéries.
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PUBLIREPORTAGE

La force du groupe

Un petit calcul rapide ? Fondée en 1983, l’AMDEQ célèbre ses 40 ans cette année ! Elle en a
vu passer, de l’eau sous les ponts, notre AMDEQ en 40 ans ! Si bien qu’elle est en fait plus forte que jamais, et cette vitalité était évidente lors de notre dernier congrès à Lévis.

 
24 octobre 2023

Pour la direction générale et le conseil d’administration de l’Association, le succès de cette rencontre annuelle témoigne d’une association dynamique, en bonne santé et présente plus que jamais auprès de ses membres. À titre de directeur général, je retire une très grande fierté du chemin parcouru depuis 40 ans. Fierté non seulement pour la qualité de notre évènement annuel mais aussi pour la qualité des services rendus aux membres, pour les différentes formations de qualité qui leur sont offertes gratuitement, pour le succès du groupement d’achat qui permet aux membres de retirer des ristournes substantielles annuellement et, finalement, pour la fierté de tenir les membres informés en temps réel des tendances et possibilités du marché, en dépit des enjeux, imprévus et bouleversements qui se dressent devant nous.

Un exemple concret de ces défis est la nouvelle réglementation sur la consigne qui entrera en vigueur le 1er novembre. Est-ce que cela sera pour nos membres un dossier compliqué, coûteux ou facile à mettre en œuvre ? L’AMDEQ était déjà à vos côtés pour aborder le sujet dans la conférence donnée par Normand Bisson de l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB) et elle continuera à vous accompagner tout au long du processus.

Aujourd’hui, l’AMDEQ regroupe 1200 membres, et le dynamisme ressenti lors de notre congrès de septembre a de quoi nous réjouir. Encore plus de détaillants que l’année précédente ont contribué au succès de ce congrès, au cours duquel les échanges ont foisonné, que ce soit lors des conférences, du cocktail du vendredi, du banquet ou de la soirée casino.

Nos fournisseurs ont été d’une grande générosité, proposant des offres très intéressantes dont nos participants ont pu bénéficier, tout en nouant des relations d’affaires, notamment dans l’atmosphère conviviale de notre salon des exposants.

Il est également important de souligner l’hommage rendu à nos quatre lauréats, des personnes dont l’esprit entrepreneurial mérite notre grande estime et nos applaudissements. Allumés, résilients et créatifs, ce sont des modèles à suivre pour prospérer dans un marché de la vente au détail en constante évolution. Bravo à eux, et à vous tous qui avez contribué à notre succès collectif ! Et rendez-vous au congrès de l’an prochain, qui se tiendra du 20 au 22 septembre à Saint-Hyacinthe !

Le directeur général,

Yves Servais


Un C.A. plus représentatif que jamais !

« Cette année, certains administrateurs ont quitté leur poste après avoir vendu leur commerce. Des membres issus de différentes communautés culturelles se sont proposés pour les remplacer, et leur candidature a été retenue. Notre nouveau conseil d’administration reflète donc véritablement la richesse de notre communauté », se réjouit Yves Servais.

Au congrès de septembre 2023, les membres ont ainsi été appelés à officialiser la nomination de trois nouveaux administrateurs, dont deux en provenance de groupes souvent sous-représentés dans les instances associatives. Il s’agit de Jin Rong Xie (Faubourg Desjardins, Granby) et Murad Khudadad (Dépanneur Roxton, Roxton Pond), qui sont d’origines asiatique et afghane, respectivement. Ils rejoignent ainsi Albert Sleiman, propriétaire de quatre dépanneurs, administrateur et vice-président du C.A. depuis quelques années, lui-même d’origine libanaise.

Mais ce n’est pas tout ! Pour représenter ce 50,3% de la population québécoise trop souvent absente des C.A., l’AMDEQ peut désormais compter sur un deuxième membre féminin : Marie-Josée Dumas (Dépanneur Le Garde-Manger, Victoriaville), qui vient renforcer notre équipe en rejoignant la trésorière Marie-Michèle Langlois.

« Il est important que l’AMDEQ soit à l’image des marchands dépanneurs et épiciers d’ici, rappelle Yves Servais. Moi-même et tous les membres du C.A., nous sont heureux de voir que ces personnes apportent leurs perspectives uniques qui enrichiront nos discussions. »

En tout, 100 000 $ à Enfant Soleil

« La cause des enfants malades nous tient à cœur depuis plusieurs années. Vous savez, ces tirelires au logo d’Enfant Soleil qu’on laisse à proximité de nos caisses ? Eh bien, nos représentants passent les récupérer deux fois par année et, mine de rien, à coups de pièces de 0,25 $, 1 $ et même 2 $, elles nous permettent d’amasser quelque 10 000 $ bon an, mal an. Nos membres organisent en plus diverses activités, comme des tirages. Le siège social contribue lui aussi généreusement. Cette année, nous avons constaté que, au fil des ans, nous avons ainsi amassé 100 000 $ en tout, pour Opération Enfant Soleil. Le coordonnateur de cette campagne, notre directeur régional en développement des affaires, Raymond Guillet, a donc eu le grand bonheur de montrer, à notre dernier congrès et avec beaucoup, beaucoup d’émotions, un chèque symbolique de 100 000 $ pour signaler cet exploit de la part de l’AMDEQ. Nous sommes fiers de nos membres, c’est le moins que l’on puisse dire ! » – Yves Servais

Lauréats du Mérite entrepreneurial

Si le congrès de l’AMDEQ est une magnifique activité de réseautage et d’apprentissage, c’est aussi pour l’association une occasion de faire applaudir certains de ses membres qui se démarquent. « Nos membres sont tous des commerçants indépendants, et nous tenons à reconnaître chaque année le talent de ceux qui se distinguent par leur esprit entrepreneurial, explique Yves Servais. Certains ont de nombreuses années d’expérience derrière la cravate et ils restent malgré tout ouverts au changement et prêts à s’y adapter, par exemple en adoptant les nouvelles technologies de paiement, en se lançant dans le prêt-à-manger en ou créant une page Facebook. Et tout cela, c’est bien souvent en plus de participer à la vie de leur quartier ! »

À la tête du dépanneur de quartier à Victoriaville, Marie-Josée Dumas et Marc Gauvin se font un point d’honneur d’être personnellement sur place dans leur commerce et de causer avec les clients. La règle d’or du dépanneur Le Garde-Manger est d’ailleurs que les employés saluent chaque consommateur à son arrivée. Au fil des ans, le dépanneur est en outre devenu « la destination bière de Victoriaville », tant pour le choix que pour le prix et le service (on y fait la livraison à l’auto !) Et n’oublions pas que ces deux entrepreneurs qui ont fait leurs premières armes dans la chaîne McDonald’s ont aussi créé un coin café qui vaut le détour.

Dynamique, proactif et innovateur, François Charland est un passionné toujours à l’affût des tendances. Celui qui représente la deuxième génération des Charland à gérer Jardins NITRO à Salaberry-de-Valleyfield a perçu il y a déjà quelques années l’engouement pour les produits de microbrasseries et a maintenant adopté une technologie qui permet de programmer ses changements de prix à distance ! Depuis 43 ans en affaires, François Charland a toujours la flamme ; il s’apprête d’ailleurs à transmettre le flambeau à ses deux fils !

Depuis qu’il a 14 ans, Gilles Tremblay a à cœur la réussite et le développement du commerce familial situé dans le quartier Limoilou (Québec). L’établissement qu’il a acheté à son père et renommé « Accommodation populaire » est aujourd’hui en train d’être repris par sa fille. Homme de cœur, il s’est investi durant de nombreuses années dans des conseils d’administration, ce qui lui a permis non seulement de contribuer à la santé de sa collectivité, mais aussi d’acquérir « une expérience enrichissante ». Il a notamment fait partie des C.A. de la Caisse populaire, de la Maison des jeunes et de l’AMDEQ, où il a été trésorier jusqu’à cette année.

Louis et Charles Tremblay ont eux aussi suivi les traces de leurs parents. À la fin de son baccalauréat en administration à l’Université Laval, Louis a assumé la responsabilité de l’administration de leur entreprise. Son frère Charles l’a rejoint deux ans plus tard. En 1996, tous les quatre devenaient actionnaires d’Accommodation ChaLou. Passionnés de bière, ils ont décidé d’en faire leur créneau. Commandites d’activités sportives ou autres, chroniques sur le sujet, agrandissements… ils n’ont pas lésiné pour donner la vedette à leur passion. Leur fierté ? Se démarquer des grandes surfaces en ayant des milliers de caisses froides, prêtes à boire. Les entrepreneurs dirigent maintenant trois succursales, ce qui représente environ un million en stocks. Passion, quand tu nous tiens…

 
 

ALIMENTS

Le Québec est-il prêt pour du pain équitable ?

 
29 novembre 2023 | Par Francis Hébert-Bernier

Une certification de commerce équitable pourrait faire son apparition dans les étalages des boulangeries québécoises en 2024. Basée sur le modèle du label français Agri-Éthique, elle vise à promouvoir l’achat local tout en valorisant de meilleures pratiques sociales et environnementales de production du pain.

Une baguette en vaut-elle une autre ? La réponse à cette question simple n’est pas si évidente pour le consommateur québécois qui souhaite faire des choix responsables à l’épicerie ou à la boulangerie du coin. Un problème que l’organisme français Agri-Éthique, qui gère depuis 2013 la certification de commerce équitable du même nom, se propose de régler en exportant son modèle au Québec. Comme tout l’aspect marketing du projet québécois est encore embryonnaire, la certification pourrait toutefois prendre un nom différent ici, explique Ludwig Tanchot, responsable du pôle développement et partenariats d’Agri-Éthique.

Plus qu’une certification, le modèle d’Agri-Éthique s’appuie sur une redéfinition des liens qui unissent l’ensemble des acteurs de la chaîne de production d’un produit, précise Ludovic Brindejonc, directeur et fondateur de l’organisme. Pour bénéficier de l’appellation, les agriculteurs, grossistes, meuniers, boulangers et épiciers doivent ainsi former une filière en s’unissant contractuellement pour une période d’au moins trois ans. Cette organisation repose sur des ententes qui fixent les prix à un niveau permettant à tous les acteurs d’avoir des revenus équitables calculés en fonction des réalités locales et des coûts de production de chacun, explique Ludwig Tanchot : « Si vous prenez le pari d’une filière labellisée Agri-Éthique, vous acceptez de fait de vous extraire de la logique de marché. »

Les contrats peuvent en revanche être révisés si des circonstances exceptionnelles, comme celles qui sont survenues dernièrement en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, viennent faire exploser les coûts de production de l’une des parties prenantes et rendre sa position intenable. Ce détail pourrait avoir une grande importance pour assurer la crédibilité du label auprès des consommateurs, explique Bernard Korai, professeur agrégé de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval : « Si le consommateur perçoit une discordance entre ce qui est promis par un label et sa pratique, sa force peut disparaître instantanément. Si les producteurs se plaignent que l’appellation ne les sert plus, les consommateurs pourraient ne jamais revenir. »

Travailler ensemble vers de meilleures pratiques

Au-delà de l’obtention d’une entente commerciale plus équitable, la certification cherche aussi à valoriser des techniques de production et d’exploitation plus en phase avec l’environnement. Les producteurs participants s’engagent donc à revoir progressivement leurs pratiques en intégrant des éléments de développement durable qu’ils financent collectivement. Une dimension importante, car les valeurs éthiques environnementales sont très prégnantes et intimement liées chez les consommateurs aujourd’hui, explique Bernard Korai.

Voilà une lecture que conteste toutefois Nicolas Delourmel, propriétaire des boulangeries artisanales Mamie Clafoutis. Le modèle d’affaires de ce réseau de boulangeries est déjà très proche de celui que la certification cherche à promouvoir, puisqu’il fait directement affaire avec des meuniers et des producteurs pour s’assurer d’avoir des approvisionnements locaux, biologiques et équitables. « Mais on paie trois fois plus cher la farine à cause de ça. Pas certain que la majorité des boulangers va vouloir embarquer dans une telle aventure », confie-t-il.

Il serait d’ailleurs amené à remettre en question ses façons de faire, car la clientèle ne serait tout simplement plus prête à payer un supplément pour soutenir les meilleures pratiques, notamment dans un contexte d’inflation. « Il faut comprendre que la boulangerie est un endroit où l’on va tous les jours, voire plusieurs fois par jour. Même de petites variations de prix font une grande différence à la fin du mois », souligne le boulanger.

S’adapter à la réalité d’ici

Le modèle fonctionne pourtant très bien en France et a même été étendu à d’autres domaines que celui du pain, dont ceux des légumineuses et des fruits à noyau. Il devra toutefois être adapté pour réussir à s’implanter au Québec, prévient Ludovic Brindejonc. « D’emblée, la physionomie des acteurs est différente. Par exemple, les exploitations agricoles sont plus grandes et plus mécanisées au Québec, ajoute Ludwig Tanchot. Et les boulangers artisanaux ne sont pas aussi présents qu’en France. » Pour faire face à cette réalité différente, la certification québécoise risque donc d’insister plus sur certains aspects, comme l’importance de l’achat local et la répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs.

Pour sa part, Nicolas Delourmel doute qu’il soit possible d’ajuster le modèle suffisamment pour qu’il comble les besoins des boulangers d’ici. « C’est complètement un autre mode. Ici, il n’y a tout simplement pas assez de petites boulangeries, contrairement à la France où un petit village peut en compter quatre », illustre-t-il. Selon lui, les boulangers risquent d’avoir un trop faible rapport de force par rapport aux meuniers et aux agriculteurs, pour qui ils représentent une trop petite part de marché.

La formule n’est pas sans risques, prévient Bernard Korai. « Les consommateurs n’auront pas le même engagement en associant une certification à de grandes marques ou à des petits producteurs. Si l’on est prêt à payer plus pour soutenir un petit commerçant, c’est parce qu’on a l’impression de faire une bonne action. En revanche, on ne sera pas nécessairement prêt à payer plus dans une grande chaîne, même si l’on souhaite qu’elle adopte de meilleures pratiques. » Cette situation correspond à ce que Nicolas Delourmel vit au quotidien chez Mamie Clafoutis. « Les gens ont déjà le sentiment de faire un achat local en choisissant une boulangerie artisanale plutôt qu’un supermarché. Savoir que la farine aussi est locale ne fait pas une grande différence », remarque-t-il.

Cette hypothèse sera testée sous peu, car la certification québécoise équitable devrait apparaître dans les étalages dès l’an prochain. « On est encore en mode exploratoire. On va faire des tests et on espère arriver avec un premier produit québécois labellisé éthique ou équitable au courant du deuxième trimestre de 2024 », explique Ludwig Tanchot. Reste à voir si le consommateur sera au rendez-vous.

 
 

TECHNOLOGIE

Code-barres versus code QR : comment choisir ?

 
24 octobre 2023 | Par Gabrielle Brassard-Lecours

Depuis l’apparition du code QR, on prédit parfois la fin du code-barres. Pourtant, les deux options semblent avoir leur utilité et peuvent même être complémentaires.

« Le code-barres traditionnel est statique ; il était plutôt destiné à l’usage des commerçants pour gérer les stocks et la provenance. Mais le code QR ouvre beaucoup plus de possibilités, à la fois pour le commerçant et la clientèle… » Pour Carl Boutet, fondateur du Studio RX, qui propose des solutions technologiques aux entreprises ainsi qu’aux spécialistes et stratèges du commerce de détail, le code QR provient de l’évolution naturelle du code-barres. Et grâce aux téléphones intelligents que possèdent la majorité des consommateurs, ces derniers peuvent eux-mêmes numériser les codes QR pour accéder à une mine d’informations.

Vieux d’une cinquantaine d’années et né aux États-Unis, le code-barres a révolutionné pour toujours le commerce de détail. Son invention se base sur le principe du phonofilm, utilisé au cinéma pour lire le son qui accompagne les images. Dans le cas du code-barres, c’est plutôt un lecteur qui réfléchit la lumière sur les bandes noires, permettant ainsi d’accéder à un signal électrique spécifique qui contient de l’information sur le produit. Composé de 24 barres et de 13 chiffres, et universalisé en 1977, le code-barres rend possible un suivi précis des produits depuis leur fabrication jusqu’à leur consommation, permettant d’améliorer notamment la traçabilité et la gestion des stocks. Précis et rapide, le balayage des code-barres réduit également les erreurs humaines et accélère les transactions aux caisses.

Inventé au Japon en 1994 et universalisé en 2000, le code QR entraîne lui aussi de grands changements dans l’industrie, entre autres du côté du marketing des produits. Il se présente de façon carrée plutôt que rectangulaire et peut être lu de deux façons : de gauche à droite et de haut en bas. Mais, surtout, il permet d’emmagasiner beaucoup plus d’informations accessibles au consommateur. Contrairement au code-barres qui ne peut stocker qu’entre 8 et 13 caractères, le code QR peut, selon sa forme, stocker entre 41 et 7089 chiffres. Un monde de possibilités !

Gérer plus que les produits

Provenance d’un fruit ou d’un légume, informations nutritionnelles détaillées, recettes, jeux, histoire du produit, concours : voilà quelques exemples de ce que permet d’encoder le code QR, mis à la disposition de tous. « Les commerçants, de leur côté, sont capables de suivre les activités de leurs clients, d’observer les interactions de ces derniers avec les codes QR et d’ainsi adapter leur stratégie marketing. Ils peuvent travailler des programmes de fidélisation de leur clientèle en connaissant leurs habitudes, et gérer encore mieux les offres selon la demande, ce qui est très utile dans le domaine alimentaire », ajoute Carl Boutet. Il cite aussi l’utilisation de codes QR pour donner accès à des commerces virtuels. Voilà un usage bien pratique en temps de pandémie, par exemple.

Les codes QR permettent également de gérer d’autres aspects que les produits matériels. Créée à Québec il y a neuf ans, la plateforme de gestion d’expérience client, de réservation en ligne et de gestion de salle Libro s’est rapidement mise à utiliser les codes QR pour aider, dans leur gestion, les restaurateurs de partout au pays. « Notre technologie permet, par exemple, d’acheter des repas prépayés, ce qui fait que, à l’arrivée du client, le restaurateur n’a qu’à scanner le code pour vérifier qu’il correspond bien au repas commandé, explique Jim Durand, directeur technique de Libro. Même chose pour des réservations de places en salle à manger. C’est une façon d’optimiser le processus lié à certains aspects de la restauration. »

Une technologie pour en remplacer une autre ?

Pourquoi, donc, ne pas délaisser le code-barres au profit du code QR ? S’agit-il d’une technologie plus coûteuse, plus complexe à implanter ? « La technologie du code QR n’est pas dispendieuse à implanter ; ce sont plutôt les façons de faire, l’encodage, les habitudes du personnel et de la clientèle qui peuvent prendre un certain temps à se placer », croit Carl Boutet. « Le code QR prend quand même plus de place qu’un code-barres. Donc pour certains produits plus petits, notamment des fruits et des légumes, je ne sais pas à quel point il serait avantageux », se demande pour sa part Jim Durand. Le code QR nécessite aussi un appareil dont la numérisation est plutôt basée sur une lecture photographique, de forme carrée, plutôt que la mince bande rouge requise par les code-barres. « C’est quand même un lecteur plus complexe et plus coûteux à utiliser », explique le gestionnaire de Libro.

Dans un balado de GS1, un organisme actif dans le domaine des méthodes de codage utilisées dans les chaînes logistiques, Isabelle Lecler-Weisbecker, alors responsable du service de cybercommerce et de Marketplace, expliquait que le code-barres fait partie de la garantie de qualité d’un produit et que, pour en générer, il faut faire affaire avec les organismes légalement autorisés à les accorder. Le code QR est également standardisé internationalement selon la norme de sécurité des systèmes d’information ISO/IEC. Ces mesures sont essentielles pour préserver la sécurité des données privées et empêcher les possibles arnaques liées à ces technologies.

« La transparence du commerçant est de mise quant à l’utilisation qu’on fait des données auxquelles il a accès, prévient Carl Boutet. Des politiques de protection de données sont toujours mises en place pour les clients, mais ceux-ci ne se donnent pas toujours la peine de les lire parce qu’ils sont pressés et ils acceptent tout ce qu’on leur propose rapidement pour passer à la prochaine étape. » D’après les différents experts interrogés, le code QR, bien que plus moderne, ne supplantera pas nécessairement le code-barres. « Je crois que c’est complémentaire », conclut le directeur technique de Libro.

Prochaine étape : l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA), qui révolutionnera sans doute encore une fois le domaine. C’est d’ailleurs déjà commencé ; des livres de recettes entièrement générées par l’IA sont déjà sur les tablettes. Cette technologie élaborera peut-être aussi pour nous des listes de produits à acheter à l’épicerie, ou encore les menus à commander au restaurant, comme le disait récemment Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, en entrevue à La Presse. L’IA est déjà bien implantée dans la chaîne alimentaire : elle permet, par exemple, aux agriculteurs d’analyser le sol, le climat et les cultures pour prévoir le rendement des récoltes. Il y a donc fort à parier que cette nouvelle technologie influencera aussi les détaillants alimentaires.

 
 

DÉVELOPPEMENT DURABLE

La nouvelle consigne est à nos portes

 
30 octobre 2023 | Par Francis Hébert-Bernier

Pour la première fois depuis des décennies, le système de consigne est sur le point d’être élargi et modernisé. Si, à terme, le nouveau système promet de réduire le fardeau que la consigne représente pour les détaillants, des épiciers indépendants s’inquiètent de l’effet qu’il aura sur leurs opérations.

D’ici 2025, l’ensemble des 5 milliards de contenants de boissons consommés annuellement au Québec seront couverts par une consigne. Le changement à venir représente toutefois bien plus qu’un simple élargissement du type et du nombre de produits couverts : c’est une véritable révolution du système en place qui est sur le point de s’opérer. En effet, à partir du 1er novembre 2023, l’ensemble du système de consigne sera renommé Consignaction et géré par un organisme central, l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRBC). L’organisme désigné par Recyc-Québec sera responsable de l’application du règlement et de la collecte auprès des détaillants.

Aussi, la consigne sera uniformisée à 0,10 $ pour la quasi-totalité des contenants de prêt-à-boire visés par la mesure. Les contenants actuellement consignés à 0,20 $, comme certaines canettes de bière, pourront être retournés pour ce montant jusqu’au 15 novembre 2023, puis ils passeront à 0,10 $ comme les autres. Une seule exception est prévue : les contenants en verre de 500 ml à 2 L, pour lesquels la consigne demeurera à 0,25 $.

De plus, celle-ci s’appliquera désormais à l’ensemble des canettes de 100 ml à 2 L vendues au Québec, ce qui fait entrer dans le système de nombreux produits qui n’y étaient pas assujettis jusqu’à présent (comme les produits non alcoolisés importés, les jus et les cidres). « Cela représente 300 millions de canettes supplémentaires à récupérer chaque année, calcule Normand Bisson, président de l’AQRCB. Si on divise ça par l’ensemble des détaillants participants, l’impact sur la logistique de récupération devrait être minime à long terme, mais l’impact sur l’environnement, lui, sera très grand. »

Un grand changement pour les détaillants importateurs

Cet optimisme n’est toutefois pas partagé par tous les détaillants visés par l’élargissement de la consigne, particulièrement les épiceries spécialisées, qui se retrouvent bien souvent considérées comme des « producteurs » en vertu du nouveau règlement. En effet, selon les nouvelles règles, la première entreprise domiciliée au Québec qui prend en charge une boisson destinée à la vente est considérée comme un producteur. Ainsi, un détaillant qui achète un produit d’une entreprise située hors Québec doit assurer sa conformité aux directives de l’AQRCB. Les commerces concernés devaient aussi devenir membre de l’AQRCB avant le 28 février dernier ; les retardataires peuvent toutefois encore le faire en remplissant un formulaire à partir du site de l’Association.

Cette complexité pousse plusieurs petits épiciers à s’interroger sur la pertinence de continuer à offrir les produits visés par la nouvelle consigne, confie Wesley Miyamoto, propriétaire des Aliments Miyamoto, une épicerie montréalaise spécialisée en produits japonais. Une tentation d’autant plus forte que les commerces de petites surfaces (375 m2 et moins), comme celui de M. Miyamoto ne seront plus tenus d’accepter les consignes à compter du 1er novembre 2025. L’AQRCB précise cependant qu’elle les enjoint à continuer à le faire pour faciliter le bon fonctionnement du système et qu’elle cherche des solutions pour les encourager à le faire. « Jusqu’à maintenant, je ne tiens que quelques produits canadiens visés par la consigne, et personne n’est jamais venu me rapporter de canettes. Mais s’il faut que je commence à gérer ça, je ne sais tout simplement pas comment je vais faire. Je suis loin d’être certain que ça va valoir la peine », confie-t-il.

L’AQRCB est consciente que l’augmentation du nombre de contenants consignés risque de représenter un grand défi logistique pour certains détaillants, surtout après la deuxième phase de mise en œuvre de la modernisation. En effet, à partir du 1er mars 2025, les bouteilles d’eau et de vin, les boîtes de jus et les cartons de lait – bref, tout ce qui est destiné à être bu et conservé dans un contenant de 100 ml à 2 L – s’ajouteront à la consigne.

Pour aider les commerçants à faire face à ce volume, l’AQRCB prévoit de prendre en charge l’ensemble des collectes auprès des détaillants dès le 1er novembre, ce qui devrait grandement réduire le fardeau logistique de ceux-ci, selon son président. « Le service aux détaillants est très important pour nous, parce que si la récupération est difficile en magasin, ce n’est pas juste un problème pour le détaillant : ultimement, ça a des impacts sur la population », fait-il remarquer. Son intention rassure partiellement Wesley Miyamoto, qui attend toutefois de voir de quelle façon le tout s’articulera dans la réalité du quotidien. « Par exemple, quel volume faudra-t-il atteindre avant qu’ils viennent les chercher ? Si je dois avoir 4 ou 5 grands sacs de centaines de canettes avant qu’ils ne les ramassent, ça ne vaut tout simplement pas l’espace que ça occupe », illustre-t-il.

Des points de dépôt pour réduire le fardeau

L’AQRCB compte aussi ouvrir de nombreux points de dépôt où les citoyens pourront aller porter leurs contenants consignés plutôt que de se rendre chez un détaillant. Cela nécessitera toutefois un changement d’habitudes de leur part, ce qui n’est pas toujours évident à faire, concède Normand Bisson. Pour y arriver, l’AQRCB prévoit d’offrir plusieurs services qui ne seront offerts que dans ces endroits. Par exemple, les gens pourront aller y porter leurs sacs et les y déposer sans avoir et à les trier et les compter, et l’argent de la consigne sera déposé électroniquement directement dans leur compte un peu plus tard, explique-t-il.

« Le but, c’est de faire embarquer les gens en leur offrant une expérience aussi simple que possible. Le concept des points de collecte est déjà déployé dans plusieurs provinces canadiennes, et cela fonctionne très bien. Je pense que ça va être très intéressant pour tout le monde », précise-t-il. Les premiers points de collecte devraient ouvrir d’ici la fin de 2023 ou au début de 2024.

Mise en œuvre de la nouvelle consigne

1re phase – 1er novembre 2023

  • Uniformisation de la consigne à 0,10 $, sauf pour les contenants en verre de 500 ml à 2 L, qui demeurent à 0,25 $
  • Consignation de toutes les canettes de 100 ml à 2 L
  • Obligation pour les détaillants dont la surface de vente est de plus de 375 m2 de reprendre tout contenant consigné
  • Les détaillants dont la surface de vente est de 375 m2 et moins ne seront plus obligés de collecter les contenants consignés, mais sont encouragés à continuer à le faire
  • Obligation pour les hôtels, restaurants, cafétérias et autres établissements où des boissons sont consommées de percevoir la consigne
  • Obligation de s’assurer de la conformité des contenants pour tous les premiers importateurs québécois d’un produit consigné

15 novembre 2023

  • Fin de la période de grâce pour le retour des canettes et bouteilles de bière consignées à plus de 0,10 $ (exemple : canettes de 500 ml dont la consigne passe de 0,20 $ à 0,10 $ au 1er novembre)

2e phase – 1er mars 2025

  • Application de la consigne à tout contenant de prêt-à-boire de 100 ml à 2 L, dont :
    toutes les bouteilles en verre, y compris les bouteilles de vin ;
    les bouteilles d’eau en plastique ;
    les emballages multicouches (boîtes de jus, de lait, etc.)
  • Obligation pour les hôtels, restaurants, cafétérias et autres établissements où des boissons sont consommées de percevoir la consigne
 
 

UN PEU D’HISTOIRE

L’effervescent destin de la bière

 
24 octobre 2023 | Par Catherine Ferland, historienne

Plusieurs milliers de bières québécoises, auxquelles on peut ajouter des centaines de variétés importées, se disputent aujourd’hui la faveur des amateurs. Le paysage microbrassicole actuel se porte plutôt bien ! Or, cette boisson n’a pas toujours eu la cote au Québec. Depuis quand consomme-t-on de la bière ? De quelle manière les pratiques des brasseurs ont-elles évolué au fil des siècles ? À quel moment se sont popularisés l’ale, la porter et tous les autres types de bières ? Revisitons son histoire.

Si le procédé de fermentation alcoolique semble inconnu chez les Premières Nations, les premières mentions de fabrication de bière aux abords du fleuve Saint-Laurent remontent à plus de 400 ans. Dès 1610, Samuel de Champlain fait semer de l’orge destinée à cette production à proximité de son « abitation » à Québec. Les premiers brasseurs de la jeune colonie sont des religieux. Rien d’étonnant : traditionnellement, en Europe, la bière était étroitement associée aux moines, qui brassaient de l’excellente bière dans leurs monastères. Les jésuites, les récollets, les prêtres du Séminaire de Québec et les frères de l’Hôpital général de Montréal en produisent de petites quantités, suffisamment pour subvenir aux besoins de leurs employés et engagés – que l’on paie littéralement en liquide.

On compte aussi quelques brasseurs professionnels établis à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal au cours des 17e et 18e siècles. Leur pic d’activité coïncide avec les périodes de conflits militaires, lorsque les précieuses cargaisons de vin français cessent d’affluer dans la colonie. Voilà qui laisse penser que l’on boit de la bière lorsque le vin se fait rare. L’intendant Jean Talon lui-même s’intéresse à la production brassicole. Ayant été administrateur durant une dizaine d’années dans les Flandres avant d’arriver à Québec, il s’est familiarisé avec la bière et souhaite implanter cette production à la fin des années 1660 pour encourager la population à délaisser les boissons importées. En vain : on préfère le vin ! Par conséquent, l’activité brassicole demeure marginale à l’époque de la Nouvelle-France.

John Labatt’s London Brewery, estampe parue dans le Montreal illustrated, 1894.
BAnQ, 0002728256
Domaine public

So British !

La guerre de Sept Ans entraîne de gros bouleversements dans la vallée du Saint-Laurent. Dès les années 1760, l’arrivée d’une population d’origine britannique transforme le paysage brassicole. En effet, les Anglais, les Écossais et les Irlandais amènent avec eux leurs goûts spécifiques, par exemple pour les bières plus foncées et riches en alcool, aux arômes torréfiés de caramel ou de café… La Gazette de Québec annonce des arrivages de porter dite « London Porter » ou « grosse bière de Londres ». Peu sucrée et plus acidulée, cette bière est fermentée jusqu’au seuil maximal, ce qui permet de la conserver plus longtemps. En plus de boire des importations, on se met à produire des bières plus robustes et aromatiques, comme la stout. La clientèle s’accroît d’ailleurs de façon spectaculaire après la Révolution américaine, de 1774 à 1776, lorsque près de 10 000 loyalistes s’installent dans la province. D’importantes brasseries sont créées dans les principales villes, incluant celle fondée en 1786 à Montréal par un certain John Molson.

Abreuvée par la présence de nouveaux brasseurs britanniques, l’activité brassicole se développe rapidement. Au début du 19e siècle, la production d’orge à bière connaît d’ailleurs un essor dans les champs des environs de Québec. Une nouvelle variété d’orge, introduite par un distillateur, donne apparemment un malt d’excellente qualité. De plus, la révolution industrielle exerce une influence déterminante sur la brasserie. En automatisant certaines étapes de la production dès les années 1850, les brasseurs sont en mesure de baisser leurs prix. Le développement d’appareils de filtration et de soutirage sous pression, de machines permettant d’embouteiller et d’étiqueter, ainsi que de dispositifs de réfrigération améliore considérablement le rendement des brasseries. Si la bière a longtemps été le domaine quasi exclusif des hommes, on trouve des employées féminines sur les lignes d’embouteillage de Molson dès les années 1870.

Cette période est également marquée par la concentration des brasseries, les plus grosses rachetant leurs concurrentes. Au tournant du 20e siècle, le marché local est unilatéralement occupé par Molson, Labatt, Sleeman, McCallum, Carling, Dow et quelques autres, toutes fondées par des industriels d’origine britannique. En faisant grimper le prix des matières premières, la Première Guerre mondiale accentue ce phénomène de monopole : seules les brasseries les plus imposantes survivent. Une certaine standardisation s’ensuit. En effet, ces brasseries majeures inondent le marché d’une « petite blonde » industrielle en fût, plutôt générique et même insipide, que les buveurs de taverne prendront même l’habitude de saler directement dans leur verre pour lui conférer un peu de personnalité.

Raviver les possibilités brassicoles

Salle d’embouteillage de la brasserie McAuslan (Saint-Ambroise), 1991.
Photo : Pierre McCann/La Presse. BAnQ, P833,S4,D188
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Après ce long passage à « l’ale tous azimuts », il faut attendre la fin des années 1960 pour voir la carte des bières se diversifier à nouveau au Québec. Expo 67 marque un tournant décisif lorsque le public découvre avec délices des mets et des boissons alcooliques provenant de partout sur la planète. C’est presque un électrochoc ! Dans le sillage de l’événement surgissent des brasseurs et microbrasseurs indépendants, désireux de développer des bières artisanales, plus aromatiques et aux caractéristiques affirmées. Alors que le marché avait été unilatéralement occupé par les brasseries industrielles durant plus d’un siècle, il est alors patiemment investi par de petits joueurs, ce qui permet de répondre à l’engouement des consommateurs pour des produits plus typés. La brasserie Massawippi (1986), Le Cheval Blanc (1987), les Brasseurs du Nord (1987), les Brasseurs GMT (1987), McAuslan (1989), Unibroue (1991), la ferme-brasserie Schoune (1994), la brasserie Seigneuriale (1994), la Barberie (1997) et bien d’autres voient le jour dans la foulée de cette évolution des goûts.

Puisqu’ils ne sont pas tenus de respecter des cahiers de charges précis issus de longues traditions brassicoles (comme c’est notamment le cas en Belgique ainsi que dans certaines régions de l’Allemagne et de l’Angleterre), les brasseurs québécois ont carte blanche : ils peuvent oser l’emploi de différents houblons et ingrédients issus du terroir pour élaborer leurs bières. Mais n’est pas brasseur qui veut : il importe de développer des connaissances poussées sur les variétés de grains et de houblons, les techniques de cuisson, de brassage et de filtration, ainsi que sur les enzymes, les microorganismes, les échanges et traitements thermiques, les matières amylacées, le pH ou encore la réactivité des ions de l’eau.

En ce moment, on constate que les IPA et les brunes bien corsées, championnes de la dernière décennie, sont en perte de vitesse au profit de bières plus légères, le mouvement microbrassicole semblant en outre avoir atteint une certaine saturation. Il ne fait toutefois aucun doute que la bière trouvera le moyen de se renouveler pour correspondre aux goûts actuels : elle continuera de remplir verres et chopes pendant encore bien des générations.