Crédit photo: TC Média
Le projet de loi 65, qui vise à récupérer la quasi-totalité des contenants de boissons de 100 ml à 2 L, prévoit de mettre en vigueur la consigne élargie et modernisée dès décembre 2022. « La collecte séparée des contenants de boissons en verre permettra d’alimenter la filière de la refonte du verre au Québec, alors qu’aujourd’hui on s’approvisionne à l’extérieur, affirme Sonia Gagné, présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC, qui est partie prenante du projet en matière de financement et accompagnement. En ce qui concerne le plastique, je pense notamment aux petites bouteilles d’eau qui sont encore malheureusement nombreuses à éviter le recyclage et à se retrouver dans la nature, et on espère pouvoir ainsi les récupérer. »
Différents projets pilotes sont testés jusqu’en janvier à Granby, Châteauguay, Trois-Rivières, Mont-Laurier, Terrebonne et Montréal. À l’ancienne gare montréalaise Terminus Voyageur, le service à la clientèle du projet pilote est géré par la Coopérative de solidarité Les Valoristes. « On est favorable à la consigne élargie parce qu’elle est très compliquée aujourd’hui au Québec ; les gens ne savent pas ce qui est consigné ou non, rapporte sa coordonnatrice, Marica Vazquez Tagliero. Par exemple, seuls les contenants de bière sont consignés, alors que ce sont les mêmes que pour les seltzers, le gin et la vodka. De manière générale, ce qu’on récupère le plus, c’est l’aluminium, puis le verre et ensuite le plastique. » Tous les contenants peuvent être rapportés au même centre de collecte.
À mi-parcours, un premier rapport sera réalisé puis, à terme, certaines pratiques seront abandonnées, d’autres seront fusionnées et les plus performantes, déployées. Les objectifs annoncés sont de couvrir l’ensemble du territoire, de favoriser l’accès pour le citoyen, d’augmenter le taux de retour et de s’adapter aux différents contextes régionaux et à la densité de la population.
Projets pilote
SAQ Terrebonne - Crédit photo : SAQ
Maxi Montréal - Crédit photo : RECYC-QUÉBEC
IGA Granby - Crédit photo : IGA St-Pierre
Le stockage en extérieur
Pour l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ), l’essentiel est que les produits consignés, anciens comme nouveaux, soient récupérés hors magasins, à savoir dans des centres de dépôt ou des points de retour prévus à cette fin. « Entre aujourd’hui et décembre 2022, on va passer de 2 milliards à plus de 4 milliards de contenants consignés. Comment voulez-vous qu’une petite surface qui a déjà un espace limité dans son entrepôt ramasse manuellement deux fois plus de contenants ? demande le directeur général de l’AMDEQ, Yves Servais. C’est presque impossible ! »
Le projet pilote de la Société des alcools du Québec (SAQ), situé à Terrebonne, dispose d’un conteneur adjacent à sa succursale. « On n’a pas d’espace supplémentaire ou vacant. Depuis le début, on a dit au gouvernement qu’il faut réfléchir à un stockage extérieur pour ne pas réduire notre offre de produits », insiste le directeur responsabilité sociétale, Christian Marier Pilon. Selon ses premières constatations, cela permet d’éviter les problèmes de salubrité et de contamination croisée. De plus, la pollution sonore serait absente, et les clients ne seraient pas impactés par les opérations de collecte. Son questionnement porte toutefois sur le nombre de collectes nécessaires pour pallier l’augmentation de contenants récupérés, surtout en l’absence de machine pouvant compresser les bouteilles, ce qui faciliterait le stockage.
Automatisation et limites
Le projet pilote de Terrebonne dispose toutefois d’une récupératrice automatisée – aussi appelée « gobeuse » – dotée d’un lecteur optique de code-barres permettant de trier les contenants en une fraction de seconde, ce qui prévient aussi la contamination d’une matière par une autre. Une fois la collecte terminée, la machine imprime un reçu échangeable chez l’un ou l’autre des commerçants participants .
« Il faut que ce soit rapide, efficace et moderne. On doit donc aller vers l’automatisation, insiste Stéphane Lacasse, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA). C’est pourquoi je pense que le projet pilote de Granby est un beau modèle : ce centre de dépôt installé dans le stationnement du détaillant est doté de six gobeuses à l’arrière ; le tri se fait de façon automatisée, classé par matière. »
Marica Vazquez Tagliero, de la Coopérative de solidarité Les Valoristes, a également l’intention de s’équiper, mais elle prévient que certaines opérations manuelles resteront nécessaires. En effet, il arrive par exemple qu’une machine ne fonctionne pas, qu’il faille changer le sac ou encore que la machine ne parvienne pas à lire le code de canettes abîmées.
Une participation volontaire
Les entreprises qui mettent en marché les contenants de boissons auront la responsabilité financière, opérationnelle et communicationnelle du nouveau programme. Le tout se fera par l’entremise d’un organisme reconnu par RECYC-QUÉBEC. « Il doit faire des appels à projets et voir quels détaillants souhaitent devenir opérateurs de consigne, mentionne Stéphane Lacasse, de l’ADA. Je ne pense pas qu’on va à l’épicerie pour rapporter des contenants, mais plutôt pour acheter de la nourriture. Le commis à qui je demande de nettoyer la gobeuse, de la vider, de classer les bouteilles à l’arrière, etc., il n’est pas en train d’offrir un service à la clientèle ou de placer les produits sur les tablettes… D’autant plus qu’on est en pénurie de main d’œuvre ! »
Yves Servais, de l’AMDEQ, veut aussi que les détaillants soient libres de récupérer ou non les contenants consignés, et ce, quelle que soit la superficie dont ils disposent. Il estime en plus que si certains détaillants ne répondent pas à l’appel, cela fera l’affaire de l’organisme qui gérera le système à la place de RECYC-QUÉBEC, tout comme le fait d’installer des centres de dépôt ou des points de retour dans des pôles commerciaux.
« Il existe actuellement plus ou moins 7500 petits et grands détaillants au Québec, mais l’organisme a un élément important à prendre en considération : la rentabilité. Il est plus facile de récupérer des contenants consignés dans 2000 points de retour seulement. » Il précise qu’il a actuellement des problèmes de livraison et de distribution avec son fournisseur, parce que les compagnies de vin et de bière manquent de main-d’œuvre.
Crédit photo : TC Média
Monétiser la consigne
Les canettes d’aluminium, les bouteilles de boisson gazeuse en plastique ou en verre ainsi que les bouteilles de bière sont remboursées dans les projets pilotes comme partout ailleurs. Les bouteilles de vin et de spiritueux, les bouteilles d’eau, les contenants de jus ou de lait sont actuellement repris, mais pas encore remboursés. En 2022, la consigne sera simplifiée : les consommateurs devront payer 0,25 $ de plus à l’achat d’une bouteille de vin ou spiritueux et 0,10 $ pour les autres contenants consignés. Les cartons de lait et de jus seront également consignés, mais en 2024.
Il reste que l’augmentation pourrait être encore plus grande. « Le système se rentabilise en partie avec les contenants non récupérés, rappelle Yves Servais de l’AMDEQ. Le but ultime du gouvernement est de faire passer le taux de retour de 75 % attendu en 2025 à 90 % d’ici 2030. Il va donc y avoir des écofrais, et le panier d’épicerie des consommateurs risque d’augmenter considérablement. » Si les cibles ne sont pas atteintes, ce sont les entreprises qui seront pénalisées. Pour Stéphane Lacasse de l’ADA, le vrai enjeu se trouve ailleurs : « Qu’est-ce qu’on fait avec la matière, au bout de la ligne ? Si on ne fait rien, ce n’est pas correct. S’il n’y a pas de débouchés, on n’est pas plus avancés malgré la consigne. Ça prend une économie circulaire… »