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Alors, qu’attendent-ils maintenant du marché du détail ?

15 mars 2021 | Par Sophie Ginoux

Après une année complète de bouleversements liés à la pandémie de COVID-19, les consommateurs ont tous hâte de reprendre une vie normale. Toutefois, leurs habitudes de consommation et, plus globalement, leur vision de l’alimentation, a bien changé. Alors, qu’attendent-ils maintenant du marché du détail ? « La pandémie a provoqué l’équivalent de dix ans de changement en dix mois. Ce que nous savions autrefois et les comportements passés ne sont plus des indicateurs fiables », indique la présidente de l’agence de marketing spécialisée en agro-alimentaire Nourish Food Marketing, Jo-Ann McArthur.

Alors que les consommateurs canadiens dépensaient avant la pandémie en moyenne 35 % de leur budget alimentaire dans les restaurants, ce chiffre a drastiquement baissé à moins de 20 % au deuxième trimestre 2020, pour se redresser à 24,3 % actuellement, selon Statistique Canada. La différence s’est donc traduite en achats plus conséquents dans les épiceries, les petits commerces d’alimentation, les plateformes de commerce en ligne et jusque chez les fermiers, qui ont gagné 5 % de clients depuis un an.

En raison des périodes de confinement, des contraintes sanitaires strictes et de l’explosion du télétravail, les consommateurs se sont réconciliés avec leur cuisine et les trois repas par jour à la maison. « 85% d’entre eux voudront d’ailleurs conserver cette habitude une fois la pandémie passée », souligne Jo-Ann McArthur. Encore faut-il toutefois savoir concrètement ce qu’ils désirent trouver dans les magasins pour y parvenir...

En quête de réconfort

S’il y a bien un type de cuisine qui triomphe depuis un an, c’est celle du réconfort. En cette période d’instabilité, les Québécois ont plus que jamais cherché à se rassurer à travers des plats et des recettes leur apportant du bien-être et des garanties. Les consommateurs se sont donc équipés en outils de tous genres, de la friteuse à air en passant par la machine à pain, mais seulement 7,5 % d’entre eux pensent s’être améliorés en cuisine, d’après la recherche annuelle réalisée par l’agence Nourish Food Marketing. Et chose plus surprenante encore, 36 % de la population canadienne seulement a appris une nouvelle recette.

Ce ne sont donc pas les produits les plus innovants qui les ont attirés dans les magasins, mais les basiques, revisités ou non, ainsi que ceux qui rendent la cuisine élaborée plus accessible. Les ruptures de stock momentanées de certaines grandes compagnies leurs ont aussi permis d’explorer des alternatives dans d’autres marques plus nichées et, souvent, plus locales.

Le triomphe du produit local, durable et éthique

Le marché du produit local, voire hyperlocal, est d’ailleurs un des grands gagnants de la pandémie. De plus en plus de produits québécois ont trouvé leur place dans les magasins, qu’il s’agisse de fruits et légumes, huiles et farines, fromages et laitages, sauces et pâtes fraîches, salaisons, plats préparés, assaisonnements, boissons, etc. On s’est même arrachés certains d’entre eux, comme la tartinade aux noisettes de Stefano Faita. Les alcools québécois n’ont pas non plus été en reste, avec une hausse notable des ventes dans les épiceries. « 75 % des Canadiens souhaitent dorénavant favoriser ce type d’achats », confirme Jo-Ann McArthur.

Toutefois, à cet achat local est jumelé le besoin d’une nourriture de meilleure qualité, plus saine, moins industrialisée et plus durable, en lien direct avec les questionnements environnementaux et l’autonomie alimentaire qui ont été au cœur de l’actualité cette année. Selon l’experte, « les consommateurs veulent savoir comment les produits sont fabriqués et transformés, peut-être pour la première fois de leur vie pour certains d’entre eux ». Un constat avec lequel Len Kahn, président de Kahntact, une autre agence de communications spécialisée dans l’agroalimentaire, est parfaitement d’accord : « Il y a réelle nécessité de transparence concernant les produits canadiens. Les consommateurs font confiance aux agriculteurs, mais pas à l’agriculture, et c’est quelque chose qui doit changer ».

Qui dit cependant transparence de fabrication des produits, dit aussi plus grand souci éthique des conditions d’élevage. L’utilisation de produits potentiellement nocifs à la santé humaine comme environnementale est également bien plus scrutée qu’avant, comme l’a prouvé récemment l’indignation suscitée par la présence de gras palmitique dans l’alimentation des vaches laitières québécoises.

De nouveaux modèles de consommation

Beaucoup de consommateurs ont adhéré depuis un an à l’achat en ligne de leurs produits alimentaires, et 59 % d’entre eux, selon l’agence Nourish Food Marketing, continueront à choisir cette option, du moins en partie, une fois la pandémie terminée. Jo-Ann McArthur estime donc que l’épicerie à venir sera hybride : « On magasinera en ligne pour certains ingrédients et produits, et on ira chercher le reste en magasin ».

Il est aussi fort probable, selon elle, que les gens ne se satisferont plus d’une liste de produits au choix sur les plateformes. « Ils s’attendent maintenant à ce que leur expérience de magasinage soit plus personnalisée. Il peut s’agir de suggestions correspondant à leurs goûts ou à leurs habitudes d’achats, mais aussi de commandes montées à partir de ce qu’il leur reste dans le frigo, voire de recettes qu’ils ont choisies. » Nous nous engageons par conséquent dans une toute nouvelle ère de consommation alimentaire, à la fois en termes de produits, d’innovations et de modèles d’achat.

Mots-clés: Canada