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C’est toi le gros, et moi le petit !

 
27 octobre 2021 | Par Robert Dion
Crédit photo: THIBAULT CARRON

L’alimentation est un besoin, et les lieux où s’en procurer forment un service essentiel. Mais ces lieux sont segmentés dans une panoplie de concepts, d’offres, de présentations toujours en mouvement… Une chose est certaine : il y en a pour tous les goûts.

Les modes qui définissent la façon dont les consommateurs s’approvisionnent changent pour mieux revenir : du vrac au retour du vrac, du magasin général devenant une grande surface qui vend de tout en passant par le retour en force des marchands spécialisés style poissonnerie, boucherie, charcuterie, boulangerie, etc. Mais la guerre est-elle égale pour tous ?

Pas évident de trouver un gagnant. D’un côté, il y a les gros joueurs qui se donnent des airs de spécialistes et de l’autre, les petits qui veulent augmenter leur gamme de produits et de services pour se définir.

Finalement, le consommateur est quand même celui qui gagne, car l’offre ne cesse de s’améliorer et les services, de se multiplier. Contrairement à la Formule 1, où ce sont les grosses écuries qui lancent le changement, dans le milieu des détaillants alimentaires ce sont les petits indépendants qui préparent les générations de commerce du futur. Quoi qu’il en soit, les prochaines années seront celles du changement, de l’arrivée d’une multitude de technologies et d’of fres encore jamais vues.

Robert Dion, fondateur - éditeur

 
 

Annie Paquette : continuer l’histoire familiale de Pasquier

 
27 octobre 2021 | Par Marie Pâris
Crédit photo: EPICERIE DELSON

À 36 ans, Annie Paquette représente la troisième génération à diriger le magasin Pasquier de Saint-Jean-sur-Richelieu. Après avoir renouvelé l’image de l’épicerie et ouvert une nouvelle adresse, elle a encore des projets en tête et une grande fierté à l’idée de suivre les traces de son père.

Détaillant Alimentaire : Votre passion pour le monde de l’alimentation remonte à loin...
Annie Paquette : Je vois mon père travailler dans ce domaine depuis mon plus jeune âge et je constate à quel point il en est passionné – passion qu’il m’a transmise très tôt. À six ans, je distribuais les circulaires dans les campings, et à neuf ans je commençais à avoir des tâches dans le magasin. J’étais émerveillée par ce monde et je m’y plaisais beaucoup. Pendant ma scolarité, j’ai travaillé dans tous les départements du magasin pour bien comprendre le fonctionnement de chacun. Je me voyais déjà travailler dans l’entreprise un jour, mais pour moi il était important de maîtriser le volet opérationnel d’un magasin d’alimentation afin de bien le diriger par la suite. J’ai commencé à être rémunérée à 14 ans ; j’ai donc déjà 22 ans d’expérience dans l’entreprise ! Aujourd’hui, je siège à la Chambre de commerce et de l’industrie du Haut-Richelieu et au CA de l’Association des détaillants en alimentation du Québec. C’est un milieu que j’adore, et je veux y rester active.

Quel parcours vous a menée à la direction de Pasquier ?
J’ai suivi une technique en administration au cégep, car je voulais déjà être dans le bain, puis j’ai fait un bac en administration des affaires à Sherbrooke, volet marketing. En 2014, j’ai aussi obtenu un MBA en administration des affaires pour cadres en exercice. J’ai effectué des stages dans d’autres entreprises, comme Molson et Olymel, et je m’y suis familiarisée tant avec l’analyse de catégories que la planification des ventes. Puis, je me suis finalement jointe à l’entreprise familiale en 2008, au volet marketing. Pasquier était alors en train d’entreprendre une transformation majeure de son concept.

Comment y avez-vous participé ?
D’abord, on a voyagé, pour arriver avec des idées. Je suis une fille de concept et de design, alors j’aime beaucoup ça ! En 2010, on a ouvert le nouveau Pasquier. On a organisé beaucoup d’événements en magasin : cours de cuisine, dégustations, etc. Via le marketing, j’ai voulu amener l’entreprise à un niveau supérieur en matière d’image. J’ai mis Pasquier sur le web, car on n’y était pas encore, j’ai changé l’aspect visuel de la circulaire, revu les uniformes – bref, j’ai créé une nouvelle signature visuelle. J’ai aussi fait changer le logo en 2020.

Comment avez-vous évolué dans l’entreprise depuis 2008 ?
J’ai maintenant une équipe derrière moi au marketing et je suis passée aux opérations il y a cinq ans. Je suis directrice générale depuis deux ans. L’objectif, c’est que je reprenne le volet de mon père d’ici un à deux ans. Maintenant, c’est moi qui prends le plus de place dans l’entreprise. Ça fait d’ailleurs rire mon père : « Avant, les gens disaient : "Annie, c’est la fille de Robert", aujourd’hui, ils disent : "Robert, c’est le père d’Annie" ! ».

Vous avez ouvert un nouveau magasin en mai dernier...
Oui, huit mois plus tard que prévu à cause de la pandémie ! On a commencé avec un soft opening, mais on est entrés dans le Publisac avec notre circulaire il y a un mois et on a de beaux résultats au niveau des ventes ! On a aussi acquis un terrain à Granby… Mais ça, ça sera pour plus tard. En attendant, on reste actifs à Saint-Jean-sur-Richelieu, où est né le premier Pasquier. On commence d’ailleurs à être bien impliqués localement : on commandite des activités sportives, on soutient la SPCA, etc.

En quoi les magasins Pasquier se démarquent-ils ?
En général, dans un supermarché traditionnel, 40 % de la superficie totale est destiné au périssable ; chez nous, c’est 60 %. En matière de pieds carrés et de variétés de produits, on a les plus grandes poissonnerie, fromagerie et fruiterie du grand Montréal, et le plus gros vieillisseur de viandes au Québec. On est aussi très proches de notre personnel : c’est une de nos valeurs phares. On a une bonne réputation en tant qu’employeur. J’ai fait moi-même la plupart des entrevues d’embauche, et les gens mettaient souvent cet aspect de l’avant quand je leur demandais pourquoi ils présentaient leur candidature.

Quels défis voyez-vous pour le futur du détail alimentaire ?
Comme partout, la main-d’œuvre… Et avec la nouvelle génération, il faut s’adapter à ses horaires. Ça peut être difficile de trouver quelqu’un qui accepte de faire un 16 heures par semaine ! L’industrie va devoir revoir ses façons de faire, car on ne pourra pas continuer comme ça à être ouverts autant, avec la main-d’œuvre qu’on a actuellement. À l’époque, c’était beaucoup plus agréable d’avoir un magasin qu’actuellement…

Vous travaillez avec votre père et deux de vos oncles. Que représente la relève familiale, pour vous ?
Travailler avec eux n’a jamais posé problème, car la communication est très importante dans la famille. Ils m’ont toujours laissé carte blanche : j’ai eu beaucoup de latitude et de confiance. Quant aux employés, ils m’ont vue grandir dans l’entreprise, alors j’ai été bien acceptée. Et la relève, ce n’est pas que moi : deux de mes cousins se sont ajoutés à l’équipe cette année. Pasquier, c’est le nom de nos ancêtres ! Ça a toujours été un rêve pour moi de poursuivre ce que mon père avait bâti, et c’est une fierté de le faire aujourd’hui. J’ai vu toutes les heures, les efforts et les sacrifices qu’il a mis pour construire une entreprise indépendante au Québec, et c’est une belle réussite. Je veux continuer ce success-story.

 
 

Économie circulaire

Consigner, mais à quel prix ?

 
27 octobre 2021 | Par Sophie Poisson
Crédit photo: TC Média

Le projet de loi 65, qui vise à récupérer la quasi-totalité des contenants de boissons de 100 ml à 2 L, prévoit de mettre en vigueur la consigne élargie et modernisée dès décembre 2022. « La collecte séparée des contenants de boissons en verre permettra d’alimenter la filière de la refonte du verre au Québec, alors qu’aujourd’hui on s’approvisionne à l’extérieur, affirme Sonia Gagné, présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC, qui est partie prenante du projet en matière de financement et accompagnement. En ce qui concerne le plastique, je pense notamment aux petites bouteilles d’eau qui sont encore malheureusement nombreuses à éviter le recyclage et à se retrouver dans la nature, et on espère pouvoir ainsi les récupérer. »

Différents projets pilotes sont testés jusqu’en janvier à Granby, Châteauguay, Trois-Rivières, Mont-Laurier, Terrebonne et Montréal. À l’ancienne gare montréalaise Terminus Voyageur, le service à la clientèle du projet pilote est géré par la Coopérative de solidarité Les Valoristes. « On est favorable à la consigne élargie parce qu’elle est très compliquée aujourd’hui au Québec ; les gens ne savent pas ce qui est consigné ou non, rapporte sa coordonnatrice, Marica Vazquez Tagliero. Par exemple, seuls les contenants de bière sont consignés, alors que ce sont les mêmes que pour les seltzers, le gin et la vodka. De manière générale, ce qu’on récupère le plus, c’est l’aluminium, puis le verre et ensuite le plastique. » Tous les contenants peuvent être rapportés au même centre de collecte.

À mi-parcours, un premier rapport sera réalisé puis, à terme, certaines pratiques seront abandonnées, d’autres seront fusionnées et les plus performantes, déployées. Les objectifs annoncés sont de couvrir l’ensemble du territoire, de favoriser l’accès pour le citoyen, d’augmenter le taux de retour et de s’adapter aux différents contextes régionaux et à la densité de la population.

Projets pilote

SAQ Terrebonne - Crédit photo : SAQ

Maxi Montréal - Crédit photo : RECYC-QUÉBEC

IGA Granby - Crédit photo : IGA St-Pierre

Le stockage en extérieur

Pour l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ), l’essentiel est que les produits consignés, anciens comme nouveaux, soient récupérés hors magasins, à savoir dans des centres de dépôt ou des points de retour prévus à cette fin. « Entre aujourd’hui et décembre 2022, on va passer de 2 milliards à plus de 4 milliards de contenants consignés. Comment voulez-vous qu’une petite surface qui a déjà un espace limité dans son entrepôt ramasse manuellement deux fois plus de contenants ? demande le directeur général de l’AMDEQ, Yves Servais. C’est presque impossible ! »

Le projet pilote de la Société des alcools du Québec (SAQ), situé à Terrebonne, dispose d’un conteneur adjacent à sa succursale. « On n’a pas d’espace supplémentaire ou vacant. Depuis le début, on a dit au gouvernement qu’il faut réfléchir à un stockage extérieur pour ne pas réduire notre offre de produits », insiste le directeur responsabilité sociétale, Christian Marier Pilon. Selon ses premières constatations, cela permet d’éviter les problèmes de salubrité et de contamination croisée. De plus, la pollution sonore serait absente, et les clients ne seraient pas impactés par les opérations de collecte. Son questionnement porte toutefois sur le nombre de collectes nécessaires pour pallier l’augmentation de contenants récupérés, surtout en l’absence de machine pouvant compresser les bouteilles, ce qui faciliterait le stockage.

Automatisation et limites

Le projet pilote de Terrebonne dispose toutefois d’une récupératrice automatisée – aussi appelée « gobeuse » – dotée d’un lecteur optique de code-barres permettant de trier les contenants en une fraction de seconde, ce qui prévient aussi la contamination d’une matière par une autre. Une fois la collecte terminée, la machine imprime un reçu échangeable chez l’un ou l’autre des commerçants participants .

« Il faut que ce soit rapide, efficace et moderne. On doit donc aller vers l’automatisation, insiste Stéphane Lacasse, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA). C’est pourquoi je pense que le projet pilote de Granby est un beau modèle : ce centre de dépôt installé dans le stationnement du détaillant est doté de six gobeuses à l’arrière ; le tri se fait de façon automatisée, classé par matière. »

Marica Vazquez Tagliero, de la Coopérative de solidarité Les Valoristes, a également l’intention de s’équiper, mais elle prévient que certaines opérations manuelles resteront nécessaires. En effet, il arrive par exemple qu’une machine ne fonctionne pas, qu’il faille changer le sac ou encore que la machine ne parvienne pas à lire le code de canettes abîmées.

Une participation volontaire

Les entreprises qui mettent en marché les contenants de boissons auront la responsabilité financière, opérationnelle et communicationnelle du nouveau programme. Le tout se fera par l’entremise d’un organisme reconnu par RECYC-QUÉBEC. « Il doit faire des appels à projets et voir quels détaillants souhaitent devenir opérateurs de consigne, mentionne Stéphane Lacasse, de l’ADA. Je ne pense pas qu’on va à l’épicerie pour rapporter des contenants, mais plutôt pour acheter de la nourriture. Le commis à qui je demande de nettoyer la gobeuse, de la vider, de classer les bouteilles à l’arrière, etc., il n’est pas en train d’offrir un service à la clientèle ou de placer les produits sur les tablettes… D’autant plus qu’on est en pénurie de main d’œuvre ! »

Yves Servais, de l’AMDEQ, veut aussi que les détaillants soient libres de récupérer ou non les contenants consignés, et ce, quelle que soit la superficie dont ils disposent. Il estime en plus que si certains détaillants ne répondent pas à l’appel, cela fera l’affaire de l’organisme qui gérera le système à la place de RECYC-QUÉBEC, tout comme le fait d’installer des centres de dépôt ou des points de retour dans des pôles commerciaux.

« Il existe actuellement plus ou moins 7500 petits et grands détaillants au Québec, mais l’organisme a un élément important à prendre en considération : la rentabilité. Il est plus facile de récupérer des contenants consignés dans 2000 points de retour seulement. » Il précise qu’il a actuellement des problèmes de livraison et de distribution avec son fournisseur, parce que les compagnies de vin et de bière manquent de main-d’œuvre.

Crédit photo : TC Média

Monétiser la consigne

Les canettes d’aluminium, les bouteilles de boisson gazeuse en plastique ou en verre ainsi que les bouteilles de bière sont remboursées dans les projets pilotes comme partout ailleurs. Les bouteilles de vin et de spiritueux, les bouteilles d’eau, les contenants de jus ou de lait sont actuellement repris, mais pas encore remboursés. En 2022, la consigne sera simplifiée : les consommateurs devront payer 0,25 $ de plus à l’achat d’une bouteille de vin ou spiritueux et 0,10 $ pour les autres contenants consignés. Les cartons de lait et de jus seront également consignés, mais en 2024.

Il reste que l’augmentation pourrait être encore plus grande. « Le système se rentabilise en partie avec les contenants non récupérés, rappelle Yves Servais de l’AMDEQ. Le but ultime du gouvernement est de faire passer le taux de retour de 75 % attendu en 2025 à 90 % d’ici 2030. Il va donc y avoir des écofrais, et le panier d’épicerie des consommateurs risque d’augmenter considérablement. » Si les cibles ne sont pas atteintes, ce sont les entreprises qui seront pénalisées. Pour Stéphane Lacasse de l’ADA, le vrai enjeu se trouve ailleurs : « Qu’est-ce qu’on fait avec la matière, au bout de la ligne ? Si on ne fait rien, ce n’est pas correct. S’il n’y a pas de débouchés, on n’est pas plus avancés malgré la consigne. Ça prend une économie circulaire… »

 
 

Économie agroalimentaire

Alimenter la gestion de l’offre

 
27 octobre 2021 | Par Sophie Poisson

Le système de gestion de l’offre a été mis en place en 1972 pour protéger le milieu agricole canadien contre les industries étrangères du lait, des oeufs et de la volaille. L’engouement pour l’achat local lors de la pandémie n’a pas eu d’impact sur la demande, car les producteurs québécois approvisionnaient déjà 100 % du marché. « La pandémie a mis un peu la gestion de l’offre à l’air du temps, considère Maurice Doyon, professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation à l’Université Laval. Est-ce que cette tendance va durer ? Ça reste à voir ! » Le système de gestion de l’offre est une décision des producteurs qui a obtenu l’approbation des deux tiers.

Il permet de limiter les importations, de stabiliser les prix et d’assurer une production constante pour les agriculteurs avec un volume réglementé par des quotas. Durant la dernière année, une fluctuation de la production s’est toutefois fait ressentir avec la restructuration de la demande. Certains produits et contenants qui étaient avant très prisés se sont retrouvés en reste, par exemple ceux qui étaient achetés par la restauration ou certaines institutions comme les universités. « Quand on vend du lait dans un hôtel, ce n’est pas en 2 L, c’est souvent des contenants de 50 L, fait remarquer le président général de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau. Ça a été remplacé par les achats dans les magasins, mais ça a pris un certain temps avant que les volumes soient comparables. Il y a alors eu un ajustement à la baisse des quotas de production, puis une réaugmentation, et on a récupéré même plus que ce qu’on avait perdu au début de la pandémie. »

Tous les secteurs ont été touchés, pas uniquement alimentaires et pas uniquement ceux du lait, des oeufs et de la volaille. « Ça n’a pas rapport avec la gestion de l’offre, mais elle s’inscrit bien dans cette tendance, soutient Maurice Doyon. Je pense qu’elle a amoindri le choc pour les intervenants. On aurait pu ne pas avoir ces infrastructures, on aurait pu être dépendants d’un autre pays et devoir importer. On s’aperçoit que c’est important d’être capables de produire nous-mêmes certaines choses vitales. »

Évoluer sur un marché fermé

Les quotas de production sont devenus dispendieux, ce qui permet de garantir un certain plancher de revenus pour les producteurs agricoles. Si certains évoquent un frein à l’entrée, Marcel Groleau assure que la gestion de l’offre est évolutive et que des mesures ont été mises en place. Il cite en exemple la Fédération des producteurs de lait du Québec, qui offre gratuitement des quotas aux nouveaux producteurs, ou encore le plafonnement de la valeur des quotas. Une expansion rapide resterait difficile avec un marché fermé et un volume de croissance relativement faible.

Le propriétaire de la Fromagerie Domaine Féodal, Guy Dessureault, estime que le frein à son expansion se situe du côté des importations. Pour s’assurer que les producteurs étrangers respectent les normes établies au pays, l’exportation vers le Canada est acceptée, mais de manière contrôlée. Au-delà d’une certaine quantité, des pénalités douanières s’imposent : pour le beurre, le fromage et le yogourt, les surtaxes varient de 230 à 300 %, tandis qu’elles atteignent 240 % pour le poulet, 160 % pour les oeufs et plus de 150 % pour le dindon. Des ententes commerciales peuvent par contre être conclues entre gouvernements. « Au Canada, on fait en sorte de ne pas surproduire pour ne pas inonder les marchés, parce qu’on serait alors obligé d’exporter à prix dumping, ce qui déstabiliserait d’autres marchés. Les quotas d’importation empêchent de développer des marchés au prix que ça pourrait coûter, de faire travailler des gens ici, et ça va nous rendre dépendants de ces produits parce qu’il y a beaucoup de commerces qui sont intéressés à avoir des produits à prix dumping et c’est ça qu’ils vont pousser à la vente », s’insurge le propriétaire.

Si la gestion de l’offre lui garantit de payer la matière première au même prix que ses concurrents et lui garantit un approvisionnement régulier, la compétition entre transformateurs québécois se ferait dans le domaine du marché. « Si Saputo décroche un gros contrat avec Walmart, par exemple, on va l’approvisionner plutôt que son compétiteur qui a perdu le contrat, explique Marcel Groleau. La compétition se fait sur l’efficacité de chacun des transformateurs, des services ou de la qualité qu’il peut offrir. »

Stabilité des prix

La question que se pose Maurice Doyon est de savoir si les produits sous gestion de l’offre ont connu plus ou moins d’inflation par rapport aux autres produits présentés sur les tablettes d’épiceries. « Aussi, est-ce qu’il y a plus de fluctuations au niveau du prix des aliments ? Je n’ai pas l’impression. En règle générale, les détaillants n’aiment pas tellement changer les prix. Souvent, quand ils estiment que la hausse est temporaire, ils vont essayer de l’absorber. Ils vont faire la même chose avec les baisses, les conserver. Si ça devient du plus long terme, ils essayent de faire la passe aux consommateurs, en partie à tout du moins. » Guy Dessureault dit absorber les variations des coûts, d’autant plus qu’elles seraient faibles. « Il y a eu des variations de coûts moins importantes que plusieurs produits importés ou produits qui fluctuent selon l’offre et la demande nord-américaine ou internationale, affirme Marcel Groleau. Par exemple, en ce qui concerne le lait, il y a une seule augmentation du prix du lait par année, en février, et ce même s’il y a une sécheresse, même si les aliments pour nourrir les animaux coûtent plus cher. » Ce serait sensiblement la même chose pour les autres secteurs soumis à la gestion de l’offre. Les prix des oeufs et de la volaille varient selon une formule qui tient principalement compte de la variation des prix des grains.

La hausse des prix ressentie dans le panier des consommateurs viendrait d’ailleurs. « Je suis convaincu qu’elle est liée à la hausse des prix des autres produits, notamment des produits frais. Leurs prix varient beaucoup parce qu’ils sont très dépendants du niveau de récoltes, qui sont imprévisibles. Chaque année, on a une idée des superficies qui vont être mises en culture, mais on n’a jamais de données précises. Par exemple, un producteur maraîcher peut décider dans son plan de culture de faire plus de céleris cette année que de brocolis. Après ça, il y a toute la question météorologique », explique le président général. Mais ces deux facteurs sont éliminés avec la gestion de l’offre parce que la production est prévisible, donc on sait exactement quelle quantité sera produite et les prix sont alors prévisibles grâce à la stabilité de la production.

Les producteurs n’ont donc pas besoin de faire appel au gouvernement comme cela peut se faire aux États-Unis, où la gestion de l’offre n’existe pas. « Durant la présidence de Trump, il a fallu envoyer plusieurs fois des aides ad hoc aux producteurs de lait pour garder l’industrie en vie, rappelle Maurice Doyon. Si par une imperfection de marché on se trouve à surproduire et qu’on donne des subventions parce que le prix est vraiment trop bas, on n’incite pas à la régulation par le prix du marché et on va avoir un prix qui est sous les coûts de production. Les Américains vont survivre parce que le gouvernement leur envoie quelques milliards de dollars ; mais i au Canada on n’a pas la capacité de le faire, notre industrie va être en péril. »

 
 

Des huîtres à l’année

 
27 octobre 2021 | Par Sophie Poisson
Crédit photo: Grossiste Le Frigo

« On en mange depuis le Moyen Âge, et ça ne va pas se démoder ! » Le propriétaire de l’entreprise Oysters & Caviar, Francois-Xavier Dehédin, a vu les ventes d’huîtres exploser il y a déjà dix ans. Les plus grosses années ont été de 2015 à 2017, affichant de 20 à 25 % d’augmentation des ventes. « C’est dû à une démocratisation du produit et à une appropriation du terroir. Et je pense que la demande va continuer de croître. » Parmi les 12 variétés qu’il propose à l’année, l’huître charnue Sweet Oyster de l’Île-du-Prince-Édouard a suscité un coup de coeur chez sa clientèle.

« Si je compare à il y a cinq ans, il y a une différence : les ventes sont plus étalées dans l’année, rapporte la directrice de Grossiste Le Frigo, Diane Guillot, qui offre une quinzaine de variétés à l’année – dont la plus populaire est la boîte de 25 huîtres Malpèque standards à 11,99 $. Il y a de l’engouement à l’automne. Les plus gros week-ends sont les derniers de septembre jusqu’à l’Action de grâce ; après, ça retombe jusqu’à Noël. » Les habitudes de consommation ont également changé dans la foulée de la pandémie. Avant, les activités en entreprise pouvaient lui apporter des clients qui achetaient de 400 à 500 huîtres à la fois. Une cinquantaine d’entre eux pouvaient ainsi se présenter sur place certaines fins de semaine, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ; ils viennent plutôt acheter des huîtres à l’unité ou par caisse de 12. Maintenant qu’il y a assouplissement des restrictions sanitaires, les caisses de 100 unités recommencent à se vendre.

William Bujold est le premier à avoir élevé des huîtres dans les eaux de la Gaspésie : les William B de la ferme maricole du Grand Large à Carleton-sur-Mer. L’entreprise familiale en croissance en a produit 300 000 en 2019 et est descendue à 200 000 en 2020, puisque ses principaux clients – les restaurants – ont fermé à cause de la COVID-19. Elle en rejoint aujourd’hui une vingtaine. Alors que sa saison a débuté en mai, la ferme espère atteindre les 500 000 huîtres d’ici la fin de son année, en novembre ou décembre.

Un produit canadien à exporter ?

L’ostréiculteur gaspésien considère en effet qu’il y a toujours une saison pour les huîtres : « Après les avoir achetées à maturité au Nouveau-Brunswick, on les immerge à une douzaine de mètres de profondeur dans la baie des Chaleurs, où l’eau est froide. Comme ça, on n’a pas besoin d’attendre la saison plus froide des mois en “-bre” pour en vendre. Ce qui nous empêche de le faire toute l’année, ce sont les glaces. » Les rivières environnantes ont également de l’importance en matière de goût. La Grande Cascapédia, la Petite Cascapédia, la rivière Nouvelle et la rivière Restigouche qui entourent son site d’élevage confèrent à la William B une saveur iodée avec une finale un peu sucrée, voire noisette.

La consommation d’huîtres à l’année n’est pas une pratique répandue partout dans le monde. « Un Français n’en consomme qu’à Noël et il est un peu surpris qu’on en serve en juin, soutient Francois-Xavier Dehédin. Au Canada, on a des eaux plus froides qu’en Europe, mais elles affichent une température stable à l’année. On est donc capables d’avoir une production quasiment annuelle. C’est sûr qu’il y a de meilleurs mois pour la production et de la qualité… De mai à juillet, on est en période de reproduction, et les huîtres sont un peu affaiblies. L’été, elles se nourrissent beaucoup ; elles peuvent donc être sales… Il y a cependant eu beaucoup d’améliorations sur le plan de la production et des passages en bassins d’affinage. »

Quant au prix des huîtres, il est resté relativement stable depuis dix ans et devrait légèrement augmenter à cause des coûts de transport, d’emballage et de main-d’oeuvre. « À la différence d’un produit sauvage, je gère les coûts et le marché, assure le propriétaire d’Oysters & Caviar. Le marché des huîtres canadiennes n’a pas encore percé le marché européen – par chauvinisme, je pense. On a pourtant des huîtres équivalentes, voire supérieures, à celles des Européens. »

« Le marché des huîtres canadiennes n’a pas encore percé le marché européen - par chauvinisme, je pense. On a pourtant des huîtres équivalentes, voires supérieures, à celles des Européens. »

Crédit photo : William Bujold

Des consommateurs plus avertis

Diane Guillot, du Grossiste Le Frigo, remarque l’arrivée d’une clientèle plus jeune, principalement âgée de 30 à 45 ans, qui a la particularité d’être curieuse et de vouloir goûter à différentes variétés – comme les Rustico, Lucky Lime et Chebooktook. Elle se démarque des 55 ans et plus qui continuent d’acheter, en pleine saison, des huîtres plus traditionnelles comme les Colville médium, Cavendish et Caraquet fancy. Comme pour un plateau de fromages, la diversité du produit se prête aux soirées huîtres où le côté festif, aphrodisiaque et convivial est mis de l’avant. Les noms choisis par les ostréiculteurs contribuent aussi à leur succès : Raspberry, Lucky Lime, BeauSoleil.

« Au Canada, on a des eaux plus froides qu’en Europe, mais elles affichent une température stable à l’année. On est donc capables d’avoir une production quasiment annuelle »

À la maison comme au restaurant, la polyvalence du produit séduit les consommateurs : si la version Rockefeller est à la mode, l’huître peut aussi se manger nature, gratinée ou cuite au barbecue, servie avec un fromage bleu, une sauce épicée ou un sabayon. « C’est une source de vitamines, de minéraux, de protéines, surenchérit Francois-Xavier Dehédin. Et mis à part son transport, l’huître n’a pas une empreinte écologique lourde. C’est un filtre à eau naturel qui respire et s’alimente en pompant l’eau de mer. Les consommateurs aiment en plus sa traçabilité : ils lisent les étiquettes, et l’huître est l’un des seuls produits alimentaires commercialisés au monde dont on connaît le moment et le lieu de récolte. Ils connaissent un peu les provenances, savent dire s’ils les aiment plus ou moins charnues, salées ou pas salées. Ils sont plus avertis et se dirigent davantage vers du qualitatif. »

C’est justement l’élément développé par William Bujold dans la présentation de ses huîtres : « On mise sur la qualité avec de belles boîtes tape-à-l’oeil qui montrent qu’il y a beaucoup de travail derrière tout cela. Pour les faire, on bûche notre bois l’hiver et on brûle notre logo sur le couvercle. Et on veut uniquement des produits frais : on préfère en manquer plutôt que d’avoir de vieux produits en stock ! »

 
 

Les nouveaux codes alimentaires

 
27 octobre 2021 | Par Sophie Ginoux

La traçabilité, et plus largement les notions de qualité, d’environnement et d’éthique, sont devenues des enjeux de la chaîne alimentaire. Réclamé par les consommateurs, exigé par de plus en plus de détaillants, l’accès à cette information permet de repenser le système traditionnel d’étiquetage et d’emballage des produits. Mais il ouvre aussi la voie à de nouveaux modes de communication et de promotion basés sur des technologies émergentes, qui s’apprêtent à révolutionner notre manière de consommer… et de vendre.

Les produits conçus et importés au Canada respectent depuis longtemps certaines contraintes. Comme l’indique Imen Ben Thabet, consultante senior chez le fournisseur de solutions de gestion des risques alimentaires NSF, il existe déjà deux paliers de contrôle : le réglementaire et le normatif. « L’exigence réglementaire à laquelle doivent souscrire tous les producteurs et transformateurs canadiens ainsi que les importateurs a pour premier objectif d’assurer la salubrité alimentaire, explique-t-elle. Il faut pouvoir retracer les produits nocifs et les rappeler au besoin. » Pour ce faire, l’Agence canadienne d’inspection des aliments émet des licences. Toutefois, cette première réglementation a ses limites puisqu’elle ne permet pas de remonter à plus d’un maillon le cycle de fabrication du produit. Une seconde exigence d’ordre normatif a donc été mise en place dans un certain nombre de grandes bannières comme Costco, Metro ou Loblaw. Elle requiert une certification du produit par un auditeur externe avant qu’il n’arrive en épicerie. Cet exercice supplémentaire de contrôle peut commencer, pour les plus petites compagnies, par l’obtention d’une certification de Good Manufacturing Practice. « Toutefois, de plus en plus de producteurs et de transformateurs essaient d’obtenir la certification Global Food Initiative, capable d’effectuer la traçabilité complète non seulement du produit mais aussi de ses ingrédients et de son emballage, indique Imen Ben Thabet. Cela limite les risques de fraude. »

Le risque zéro n’existe cependant pas dans le monde alimentaire. Il suffit de s’attarder à quelques scandales qui ont défrayé la chronique, comme, en 2019, celui de produits européens surgelés censés être à base de boeuf, mais qui contenaient en fait de la viande de cheval. Plus près de nous, on peut penser à la viande de boeuf vendue comme étant du veau (à un moment donné, on retrouvait d’ailleurs dans nos assiettes plus de veau de Charlevoix qu’il ne s’en produisait réellement !), ou encore au récent Buttergate, dont le tollé a été provoqué par la découverte d’acide palmitique dans l’alimentation des vaches de 22 % des fermes laitières au Québec. Si l’on greffe à ces scandales d’autres pratiques courantes de l’industrie alimentaire, comme le fait que le poisson que l’on achète en magasin a peut-être fait le tour du monde entre sa pêche et son arrivée dans les comptoirs, et ce, dans des conditions de salubrité dont on ne sait pas grand-chose, on peut comprendre que les consommateurs exigent plus de transparence de la part des détaillants, qui ont pour leur part accès à plus d’information grâce aux codes-barres (UPC) et codes alphanumériques. Il faut également tenir compte de la hausse d’intérêt marqué pour les produits locaux et artisanaux depuis le début de la pandémie, un phénomène qui accentue cette pression populaire. Pourtant, la transparence et la traçabilité sont encore minimes. Sur les étiquettes et emballages de la majorité des produits, on retrouve le nom du produit, le nom et l’adresse de la compagnie qui l’a produit, transformé ou distribué, son poids net, une liste d’ingrédients, un tableau de valeurs nutritionnelles, la mention d’allergènes, une date de production et de péremption, et parfois un label, comme celui de Produit du Québec ou d’Ocean Wise. « Cet étiquetage ne permet pas aux consommateurs de connaître l’origine du produit, encore moins celui de ses ingrédients, ni comment il a été fabriqué. On ne peut pas non plus savoir s’il a par exemple subi une coupure de chaîne du froid au cours de son processus de transformation. La traçabilité de la ferme à l’assiette n’est donc pas du tout évidente », commente Imen Ben Thabet. C’est cette troisième exigence, celle du consommateur, qui n’est pas encore au point et qui, selon elle, devra être au coeur des efforts des compagnies. Comme l’indique d’ailleurs sa consoeur de NSF Carol Zweep, les règles d’étiquetage des produits alimentaires vont changer dès le 14 décembre : il y aura de nouvelles indications nutritionnelles relatives aux vraies portions de produit que l’on consomme et aux taux de gras saturés, de sucres et de sodium contenus dans les recettes.

Un nouveau mode de communication

Parallèlement à ces changements, certaines compagnies ou organisations alimentaires ont commencé à s’ouvrir à la transparence. La Fédération des producteurs d’oeufs du Québec a démarré un système de codage des oeufs qui permet, en entrant le code alphanumérique inscrit sur la coquille sur le site web créé dans ce but, de savoir de quelle ferme ils proviennent. Même chose pour les homards de Gaspésie, qui portent un médaillon sur lequel figure un code qui mène au professionnel qui l’a pêché. L’expert en accompagnement stratégique et commercial Pascal Leduc, qui a notamment siégé au sein de l’association Food, Health & Consumer Products of Canada, a aussi vu émerger des initiatives comme la plateforme SmartLabel, lancée il y a deux ans. « Elle contient 4000 produits participants, pour lesquels les manufacturiers partagent de l’information de façon transparente et uniforme avec les consommateurs canadiens », dit-il. Il semble cependant que les produits de beauté et santé soient les plus nombreux à l’heure actuelle sur la plateforme. De plus, 4000 produits canadiens, comparativement aux 90 000 déjà recensés aux États-Unis, ce n’est pas énorme… Puisqu’il est dans l’air du temps et qu’il donne directement accès, sans l’intermédiaire d’un site web, à une quantité bien plus importante d’informations, le code QR commence peu à peu à se tailler une place sur le marché alimentaire. Ou du moins à susciter un intérêt, car les producteurs, transformateurs et détaillants à avoir franchi le pas sont encore rares. « La chose est étonnante, car toutes les compagnies doivent à présent se doter d’une stratégie de marketing numérique, et les possibilités d’exploitation de tels codes sont nombreuses », indique le stratège, Pascal Leduc.

Encore balbutiant avant la pandémie, le code QR est devenu une référence dans plusieurs secteurs de l’économie. On le voit s’afficher sur des panneaux touristiques, dans des expositions, le long de circuits et d’activités. On s’attendrait donc à la voir déferler sur nos produits alimentaires. Mais ce milieu est souvent un peu plus lent à bouger que d’autres. « On savait que les codes QR existaient, mais on ne savait pas trop comment les utiliser », avoue Pascale Coutu, propriétaire de La Courgerie, dans Lanaudière, qui a testé ce système pour les circuits de son établissement. Elle a tellement aimé le concept qu’elle a décidé d’implanter des codes QR sur ses têtes de gondoles et ses produits transformés vendus par différents détaillants. « C’est un outil formidable pour accompagner le consommateur jusque chez lui avec non seulement l’information de base, mais aussi des accords, recettes et astuces. C’est vraiment le chaînon qui manquait entre les producteurs, les produits et les consommateurs ! » Elle a été guidée dans ce processus par l’entreprise MySmartJourney, qui a créé une plateforme conviviale permettant aux professionnels d’alimenter très simplement en contenus de toutes sortes des espaces numériques vers lesquels les codes QR mènent. « C’est très instinctif pour les clients comme pour les producteurs, confirme Pascale Coutu. Je peux télécharger en un clic des photos, des vidéos, des jeux-questionnaires, du son, des concours ou un bouton retour. Et je m’en sers aussi pour former mon personnel. » La productrice n’a pas été la seule à succomber au potentiel du code QR. Isabelle Lopez, de MySmartJourney, a également accompagné Les Virées gourmandes de la Montérégie, qui regroupe quelque 200 producteurs et transformateurs locaux. « Pendant la crise de la COVID-19, raconte-t-elle, on nous a donné pour mission d’amener ce circuit jusqu’à la maison en glissant dans des boîtes gourmandes un petit magazine sur lequel on retrouvait des codes QR menant aux différents produits et producteurs. Puis ces mêmes codes se sont retrouvés sur les produits eux-mêmes, car notre client s’est rendu compte que leur taux de pénétration était exceptionnel comparé à d’autres moyens de communication. »

La meilleure publicité possible

Le code QR ainsi que le code NFC – une autre technologie encore plus rapide, fiable et sécuritaire appelée à se développer – s’avèrent donc très utiles pour informer et rassurer le consommateur. Dans un contexte de pénurie et de roulement important de main-d’oeuvre, ils peuvent aussi servir de courroie de formation et de transmission de connaissances. « Pour les détaillants, le code QR devient également un des outils pouvant permettre l’automatisation de certains services comme les paiements et les retours, indique Pascal Leduc, car plus ces opérations seront automatisées, plus les clients auront une expérience de magasinage agréable et seront amenés à prolonger leur visite dans le commerce. » L’expert ajoute que, en Asie, le code QR est aussi proposé aux consommateurs voulant faire leur épicerie à distance, dans le métro ou au travail. « Tout cela à partir d’un téléphone intelligent et de codes QR de produits ! »

Mais ce n’est pas tout. À l’heure où les consommateurs s’identifient de plus en plus à des marques qui jouent le jeu de la transparence, de l’environnement et de l’éthique, mais qui souhaitent également personnaliser l’expérience client, les codes QR et NFC offrent beaucoup de possibilités. « Elles sont multiples ! confirme Isabelle Lopez. Ils peuvent fidéliser la clientèle en les dirigeant vers des idées de recettes qui les inciteront à racheter le produit. Ils se prêtent aussi à de la vente croisée ; par exemple, on proposera un accord du fromage acheté avec une bière. Enfin, le contenu auquel on accède peut varier selon les saisons ou les heures du jour, ou les repas qui sont consommés. Ils peuvent même s’intégrer à une campagne publicitaire menée par la compagnie sur plusieurs supports. Ce sont de superbes outils pour valoriser une marque, ses pratiques et ses valeurs. »

Selon l’experte, les codes QR et NFC sont également de très bons outils pour réaliser des tests et des statistiques. « On sait que des produits très populaires comme le Febreze ont été créés par Procter & Gamble grâce à des tests continus effectués dans des familles. Alors, plutôt que d’envoyer un questionnaire typique aux clients dans lequel ils ne se reconnaissent pas automatiquement, il serait possible de leur faire tester le produit en vidéo, à même l’espace vers lequel mène le code QR, pour voir leur réaction immédiate en le dégustant. » Les détaillants eux-mêmes peuvent bénéficier de ces nouveaux modes de communication et de promotion. « Ils pourraient établir une relation unique avec chaque client selon son historique d’achats et ses préférences. Ou bien proposer des concours et des promotions de différents types », suggère Pascal Leduc. « Ou pourquoi ne pas intégrer, en plus de l’information sur le producteur et d’autres produits de la même gamme, la présentation de l’employé du magasin qui aurait préparé ou mis ce produit en rayon ? propose Isabelle Lopez. Tout cela pour rendre l’expérience de magasinage du client plus ludique et agréable. »

Les codes QR et NFC semblent donc promis à un bel avenir dans le domaine alimentaire. « Mais ils ne constituent pas les seules options à surveiller », estime Pascal Leduc, qui croit par exemple que le recours à l’intelligence artificielle va changer radicalement l’expérience des clients dans les épiceries et automatiser des processus encore assurés par un personnel de moins en moins facile à trouver. D’autres acteurs du milieu alimentaire, notamment en Europe, misent aussi sur la technologie blockchain, qui repose sur la gestion décentralisée et sécurisée de l’information à chaque étape du processus de production d’un produit. La traçabilité de ce dernier devient dès lors inaltérable, puisque chaque intermédiaire enregistre directement l’information relative à son rôle et, du même coup, s’engage à ce qu’elle soit véridique. La blockchain pourrait ainsi s’avérer une belle avenue pour rassurer les consommateurs et pousser certaines filières vers des pratiques plus éthiques et responsables, même si son rôle est plus circonscrit que celui des codes QR et NFC en matière de promotion et de marketing. De réels débouchés seront par conséquent à saisir au cours des prochaines années dans le secteur alimentaire québécois, pourvu que les résistances de ses acteurs tombent ou qu’ils ne soient pas contraints de suivre une tendance que d’autres auront amorcée avant eux. Une nouvelle ère technologique alimentaire commence…

 
 

La nouvelle ère de la circulaire

 
27 octobre 2021 | Par Nathalie Schneider

Elle a ses utilisateurs accros et ses farouches détracteurs : la circulaire, qui a quelques solutions de rechange, n’en finit pas de diviser les consommateurs.

Au printemps 2020, le détaillant Maxi annonce, par la voix de son populaire porte-parole Martin Matte, l’abandon de la circulaire imprimée au bénéfice exclusif de sa version numérique. La décision est jugée audacieuse par plusieurs experts en marketing, dans un contexte où le débat sur le recours aux circulaires ne cesse d’agiter l’opinion publique depuis des années. Même si les circulaires ne sont imprimées que sur du papier recyclé, celles-ci ont en effet un coût économique et écologique considérable en regard des dizaines de milliers d’exemplaires produits chaque semaine. Trois mois plus tard, l’enseigne revient sur sa décision et restaure la circulaire papier pour informer les consommateurs des rabais sur ses produits. Ce petit va-et-vient rappelle celui de 1996, quand Maxi avait tenté la même expérience… en faisant volte-face pour y revenir après avoir constaté un impact financier important et subi la pression de nombreux consommateurs pro-imprimé.

Selon un sondage d’opinion effectué par la Ville de Montréal en 2019 sur la distribution des circulaires, 8 Montréalais sur 10 affirment consulter les circulaires « pour planifier leurs achats et faire des économies grâce aux promotions », surtout les femmes de 55 ans et plus. Aujourd’hui, les plateformes en ligne (circulaires.ca) et les applications spécialisées (reebee, Flipp, mespromos, Checkout 51), qui donnent accès aux promotions des détaillants, offrent des solutions de rechange pratiques au papier qui n’existaient pas il y a 25 ans. Le téléchargement de reebee, par exemple, a explosé dès le début de la pandémie, quand les gens se sont mis à acheter beaucoup plus en épicerie : selon le quotidien La Presse, près de 65 000 Québécois ont téléchargé cette application au cours de la première vague de la pandémie de 2020 – une hausse de 60 % par rapport à 2019. Preuve que la réponse des consommateurs est plutôt bonne à l’égard des outils en ligne quand les circonstances l’exigent.

Ceux-ci sont-ils prêts, pour autant, à revoir leur mode de magasinage au-delà de cette crise qui fait émerger de nouveaux comportements ? Qu’on pense à ceux, nombreux, qui sont mal connectés (ou pas du tout) à l’internet haute vitesse, par choix ou par frilosité à l’égard des outils technologiques, et qui tiennent à la bonne vieille consultation de la circulaire menée en égrenant ses pages.

Prêts pour un changement ?

Reste que l’industrie de la grande distribution, notamment alimentaire, planche sur la question pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi pour « verdir » son image auprès du grand public. « L’entreprise se penche depuis longtemps sur la meilleure stratégie à prendre concernant la distribution de ses circulaires ainsi que sur la pertinence de cet outil de marketing, dit Johanne Héroux, directrice principale, Affaires corporatives et communications, de Loblaw. Dans un effort global de réduction de nos matières résiduelles, nous avons déjà mis en place plusieurs stratégies de réduction du papier. » Les intentions semblent louables. Malheureusement, le premier distributeur du Canada, qui possède une vingtaine d’enseignes dont Maxi, Provigo et L’Intermarché, n’avance ni chiffres ni dates concernant ces stratégies de réduction.

Pour l’industrie, l’ère est aux essais destinés à en mesurer l’effet à moyen terme, notamment du côté de Provigo, qui teste la réduction du nombre de pages et de publications (hebdomadaires, puis mensuelles, et enfin occasionnelles). Pour l’instant, aucune décision radicale ne semble être adoptée, surtout depuis le retour de la circulaire imprimée de Maxi. L’outil stratégique qu’est la circulaire papier reste extrêmement populaire auprès d’un marché ancré dans une culture de consommation traditionnelle. « L’objectif à long terme est de miser presque exclusivement sur une circulaire numérique ; cependant, on se doit d’être à l’écoute et d’accompagner la clientèle dans le cadre de ce virage, souligne Johanne Héroux. Actuellement, les foyers qui reçoivent la circulaire imprimée sont ciblés, en fonction de la disponibilité d’internet haute vitesse dans les différentes régions ou encore selon les concentrations de population ou les profils démographiques. »

Si certaines grandes enseignes pharmaceutiques, comme Familiprix ou Proxim, ont annoncé ces dernières années la disparition de leurs circulaires imprimées en fondant leur décision sur l’intention de devenir des modèles écoresponsables, les grands détaillants alimentaires privilégient selon toute apparence le « petit pas à la fois » plutôt que le virage radical. C’est le cas de Rachelle Béry, la boutique santé appartenant au groupe IGA, qui a agrandi la section alimentation de ses succursales et qui, malgré ses campagnes écoresponsables, continue de produire des circulaires mensuelles imprimées.

La question (sensible) du Publisac

Pour atteindre leur marché cible, les grands détaillants alimentaires qui produisent une circulaire imprimée ont recours, dans la majorité des cas, à la stratégie du Publisac, imprimé par le géant Transcontinental et distribué directement dans la boîte aux lettres des consommateurs. Dans ce cas, le ciblage auprès d’une population mieux à même d’utiliser régulièrement les circulaires ne tient plus ; le Publisac est largement distribué dans tous les foyers, sauf à ceux qui le refusent en apposant sur leur boîte aux lettres un autocollant « Pas de circulaire ». À la suite d’une consultation publique réalisée auprès de sa population en 2019, la Ville de Montréal a adopté un règlement qui encadre la distribution de ces outils promotionnels imprimés. Cette consultation était une réponse à la pétition signée par 15 000 citoyens, exigeant qu’ils soient distribuées « aux seules personnes désirant les recevoir » (option opt-in) et que l’usage du sac de plastique qui les contient soit interdit.

Chaque semaine, 900 000 exemplaires du Publisac sont distribués dans les arrondissements de la métropole, ce qui représente un poids total de 495 tonnes. « Le Publisac représente 11 % de ce qui entre dans les centres de tri, explique Charles Montpetit, fondateur et gestionnaire du mouvement Propre/Antipublisac. Nous avons recommandé de distribuer les circulaires sans sac en plastique, car lorsque les sacs sont déposés tels quels au recyclage – sans que le papier ne soit extirpé du sac –, ils ne sont pas recyclés et se retrouvent dans les sites d’enfouissement. » La mention inscrite sur le sac à cet effet ne suffit pas à faire respecter la recommandation. À la suite de sa consultation, la Ville de Montréal a incorporé trois règlements dans son Plan directeur de gestion des matières résiduelles en 2020 (option opt-in, distribution sans sac de plastique et amendes aux contrevenants). Cependant, pour l’heure, elle ne les met pas en pratique. « Leur application a été annoncée pour juin 2021, mais rien n’a encore été fait », précise Charles Montpetit.

Le cas des petits détaillants

Boulangeries, boucheries, fromageries et autres épiceries de quartier, qui n’ont pas les moyens financiers d’annoncer dans les circulaires à grande diffusion, optent pour la promotion en ligne sur des plateformes spécialisées.

Le cas de la Ville de Montréal est évocateur, mais pas unique. Selon l’activiste, une quarantaine de villes québécoises prennent part à ce mouvement pour légiférer sur la distribution du Publisac, mais seulement trois d’entre elles sont officiellement en faveur de la méthode opt-in, soit Montréal, Mont-Royal et Mirabel, qui est allée plus loin en la mettant en application. Transcontinental a riposté, en intentant un procès à la municipalité de Mirabel en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. « La décision du tribunal pourrait avoir un impact sur les autres municipalités », dit Charles Montpetit. C’est donc un dossier à suivre…

 
 

La passion du poisson

 
27 octobre 2021 | Par CSMOCA

Par

« J’adore ce métier pour la variété de ses arrivages saisonniers : ses couleurs, ses formes et ses odeurs ! J’aime qu’il me mène à la rencontre des pêcheurs de la Gaspésie, d’un cultivateur d’huîtres comme Christian Vigneau aux Îles-de-la-Madeleine ou encore dans un élevage d’esturgeons à caviar en Pologne. » Reconnaissons que ces arguments ont de quoi démontrer l’intérêt de l’aspect « acheteur » du métier de poissonnier… !

S’ajoute à cela le volet « relationniste ». « Une fois que j’ai mes produits en main, je les propose au consommateur, qui est de plus en plus averti et curieux, poursuit l’entrepreneur. Je fais donc des vidéos qui expliquent, par exemple, comment ouvrir un oursin ou apprêter la pieuvre… On m’invite même à organiser de mini-ateliers à domicile pour parler de la transformation des produits de la mer. Bref, on ne s’ennuie jamais dans ce métier ! Il faut connaître sa géographie, savoir calculer en différentes devises, voire parler la langue des fournisseurs de l’étranger… On y peaufine de multiples compétences qui peuvent servir partout ailleurs ! »

 Francois-Xavier Dehédin, PDG et fondateur de la société Oysters & Caviar

POISSONNIER

La rigueur, le sens de l’esthétique et la courtoisie sont des qualités importantes du poissonnier ou de la poissonnière. En raison de son rôle clé dans la notoriété du commerce, le poissonnier ou la poissonnière doit faire preuve de vigilance afin d’assurer la qualité des poissons et des fruits de mer offerts.

Tâches
Les tâches ci-dessous peuvent varier en fonction du commerce (marchés d’alimentation, magasins spécialisés) et selon l’expérience de l’employé. Elles se veulent une présentation générale du rôle du poissonnier ou de la poissonnière. En plus d’accomplir les tâches propres à son rayon, le poissonnier ou la poissonnière accomplit une partie ou l’ensemble des tâches suivantes :

  • Conseiller la clientèle et répondre à ses questions ;
  • Préparer les tables à glace ;
  • Préparer les produits de la mer pour la vente (ex. : ficeler, emballer, peser et étiqueter) ;
  • Confectionner des plats prêts-à-manger ;
  • Faire cuire certains produits de la mer en saison (ex. : homard) ;
  • S’assurer que les présentoirs et les étalages réfrigérés sont bien remplis ;
  • S’assurer de l’entretien adéquat du matériel, des étalages et de l’aire de travail ;
  • Surveiller la qualité des produits et les dates de péremption, et assurer la rotation des stocks ;
  • Respecter les normes d’hygiène et de salubrité ;
  • Respecter les normes de santé et de sécurité ;
  • Se tenir informé sur les nouveaux produits ;
  • Réceptionner des marchandises en respectant le maintien de la chaîne de froid ;
  • Entreposer des marchandises conformément aux règles du commerce ;
  • Remplir les bons de commande selon le niveau des stocks ;
  • Assurer le suivi d’un produit commandé par un client ou une cliente, s’il y a lieu.

Gravir les échelons

  • Assistant gérant de la poissonnerie ;
  • Gérant de la poissonnerie ;
  • Propriétaire d’une poissonnerie.

COMMIS À LA POISSONNERIE

La rigueur, le sens de l’esthétique et la courtoisie sont des qualités importantes du ou de la commis à la poissonnerie. En raison de son rôle clé dans la notoriété du commerce, le ou la commis doit faire preuve de vigilance afin d’assurer la qualité des poissons et des fruits de mer offerts.

Tâches
Les tâches ci-dessous peuvent varier en fonction du commerce (marchés d’alimentation, magasins spécialisés) et selon l’expérience de l’employé(e). Elles se veulent une présentation générale du rôle du ou de la commis à la poissonnerie. Ainsi, le ou la commis à la poissonnerie accomplit une partie ou l’ensemble des tâches suivantes :

  • Préparer les tables à glace ;
  • Couper, emballer, peser et étiqueter des produits de la mer ;
  • Préparer les sauces et faire mariner des produits de la mer ;
  • Faire cuire certains produits en saison (ex. : homard).

Gravir les échelons

  • Assistant gérant de la poissonnerie ;
  • Gérant de la poissonnerie.

COMMENT Y PARVENIR : LA FORMATION ET LE PAMT

Le PAMT est un mode d’apprentissage en milieu de travail. Il permet de former, en magasin, des employés qui désirent faire carrière dans le secteur de l’alimentation ! Au moyen de ce mode d’apprentissage, l’apprenti(e) apprend à maîtriser son métier sous la supervision d’une personne dont l’expertise est reconnue : le compagnon ou la compagne d’apprentissage.

La durée

  • Entre 12 et 24 mois selon le métier et les compétences de l’apprenti.

Le fonctionnement

  1. L’employeur s’inscrit dans une démarche auprès du centre local d’emploi (CLE) de sa région.
  2. Le compagnon met en pratique le Guide du compagnon avec l’apprenti
  3. L’apprenti fait le suivi de ses apprentissages à l’aide du Guide de l’apprenti
  4. Suivi de la transmission des connaissances en continu avec la collaboration d’une ressource du CLE
  5. À la fin du processus de formation, l’apprenti et le compagnon se verront décerner un certificat de qualification professionnelle du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS).

Les outils
Carnet d’apprentissage

  • Ce carnet permet au compagnon ou à la compagne de consigner toutes les compétences maîtrisées par l’apprenti, et ce, tout au long de la démarche d’apprentissage. Il sera le témoin de la progression de l’apprenti vers la maîtrise de l’ensemble des compétences de la profession. Cet outil est fourni lors de la signature de l’entente.

Guide du compagnon

  • Ce guide de référence comporte des précisions sur les compétences à acquérir, des recommandations sur la façon de les transmettre et des consignes claires sur les indicateurs qui confirment la maîtrise des compétences. Cet outil est fourni lors de la signature de l’entente.

Guide sur la connaissance des produits développé par le CSMOCA

  • Les guides sont un moyen concret de transmettre à l’apprenti des notions de base sur le métier et le vocabulaire propre au métier, ainsi que de lui faire découvrir de nouveaux produits et leurs caractéristiques. Chaque PAMT a son propre guide du métier.

FORMATION POISSONNIER +

CETTE FORMATION EST PRÉSENTEMENT
OFFERTE EN LIGNE SANS FRAIS

Cette nouvelle formation a été développée à la fois en soutien au Programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) pour le métier de poissonnière et de poissonnier mais, également pour tous ceux intéressés par ce métier.

Cette formation vise un enrichissement des connaissances qui s’articule autour de 3 modules et 18 leçons, accessibles en tout temps, de manière autonome.

Cette formation s’adresse :

 Aux commis de la poissonnerie, et poissonniers ;
 Aux compagnons et aux apprentis du programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) pour le métier de poissonnier.

Module 1 : La sécurité alimentaire
Module 2 : Les caractéristiques des produits marins
Module 3 : Les conseils de la du poissonnier

Le CSMOCA, Comité sectoriel de main-d’oeuvre du commerce de l’alimentation, participe au développement de la qualification de la main-d’oeuvre du commerce de l’alimentation et trouve des solutions pour parfaire l’équilibre entre l’offre et la demande.

Le comité est un « allié précieux du gouvernement du Québec et autres partenaires pour la compréhension stratégique et opérationnelle du marché du travail ». Source : Les comités sectoriels : la force d’un réseau !

 
 

Un peu d’histoire

Les pêcheries au Québec

 
27 octobre 2021 | Par Catherine Ferland, historienne

Il y a des milliers d’années que le fleuve Saint-Laurent et ses affluents sont utilisés comme garde-manger et source de revenus par les populations qui fréquentent ses rives. On n’a qu’à songer au doré, à l’omble de fontaine, à l’achigan, au maskinongé́, au crabe des neiges, à la crevette nordique, à l’esturgeon, au saumon… Naturellement, l’histoire des pêches au Québec présente des variations régionales ; la situation en Gaspésie est bien différente de celle qui prévaut en Abitibi ! Il est toutefois possible de dégager un portrait global pour comprendre l’évolution du Québec maritime.

Le marché (Sainte-Anne) aux poissons, Montréal, fin 19e siècle. Gravure tirée de L’Opinion publique, vol. 11, no 21 (20 mai 1880), p. 246.

L’archéologie a révélé l’ancienneté de l’occupation humaine aux abords du fleuve et des rivières du Québec. Les ancêtres des Premières Nations actuelles fréquentaient déjà ces généreux cours d’eau de manière saisonnière pour y prélever diverses espèces de poissons, au moyen d’outils de pêche simples tels que les hameçons, les filets et les palangres. Leur fine observation du territoire leur permettait d’anticiper les mouvements migratoires – et d’en tirer parti –, ce qui débouchait sur des pêches fructueuses. C’est au début du 16e siècle que s’amorcent les explorations européennes le long des côtes du continent nord-américain. Les eaux poissonneuses sont convoitées par des pêcheurs venus d’aussi loin que le Portugal, l’Espagne, le Pays basque, la Bretagne, la Normandie, l’Angleterre et même la Hollande ! Les bancs de morue au large de Terre-Neuve attirent l’attention… C’est ainsi que plusieurs pêcheurs, espérant trouver toujours plus de poissons, finissent par pousser leurs embarcations de plus en plus loin à l’intérieur des terres, jusque dans l’estuaire du Saint-Laurent.

L’Europe, dont une grande partie de la population est catholique et doit « faire maigre » près d’un jour sur trois, est une grande consommatrice de poisson. Pour répondre à la demande, un commerce plus structuré se met en place. La colonisation du territoire s’intensifie, ce qui favorise l’apparition de communautés de pêcheurs en Nouvelle-France, qui revendent leurs stocks à des compagnies marchandes. C’est ainsi que, dès le milieu du 17e siècle, on pêche, prépare (par salage et séchage) et expédie des milliers de tonnes de morue par année. Loin d’être un phénomène local, cette pêche s’inscrit donc dans un contexte socioéconomique plus grand, un véritable système englobant tout l’Atlantique Nord. Parallèlement à cela, les habitants pêchent (au nigog et au flambeau, à la ligne dormante ou au filet) et consomment l’anguille, l’écrevisse, l’alose, la barbotte, le corégone, la lotte, la barbue, la perchaude, la carpe, le brochet… Ils ramassent les coques, moules, palourdes et autres bigorneaux.

Grandes compagnies et premières coopératives

La cession de la Nouvelle-France à l’Empire britannique à la suite du traité de Paris en 1763 n’aura étonnamment pas d’effet marqué sur les pêcheries, le modèle d’exploitation et de gestion s’inscrivant tout simplement dans la continuité du précédent. De grandes compagnies voient le jour et se multiplient dans la première moitié du 19e siècle. La morue continue de régner sur le plan des exportations, tandis que les gens pêchent dans les cours d’eau à proximité pour assurer leurs besoins alimentaires. La population peut aussi acheter ses poissons et ses fruits de mer au marché. Les marchés publics, qui existaient déjà sous le Régime français, se structurent d’ailleurs sous l’administration anglaise. La toute première ordonnance du gouverneur James Murray réglemente le commerce des vivres. Au 19e siècle, les villes populeuses comme Québec, Trois-Rivières et Montréal prévoient des sections spéciales, des « halles » ou « marchés » aux poissons . Les règlements municipaux précisent que le poisson doit être apporté au marché et placé sur de la paille, de l’écorce ou des branches… que les commerçants doivent ensuite emporter et jeter hors de la ville, sans doute pour éviter les odeurs ! Des poissonniers ambulants parcourent aussi les paroisses pour offrir leurs produits, conservés dans des coffres de bois dont la double paroi est remplie de glace.

Pêche à l’alose, Sault-au-Cochon, fleuve Saint-Laurent, 1840. Aquarelle de Philip John Bainbrigge, Bibliothèque et Archives Canada, ICON182064. Domaine public.

La révolution industrielle de la seconde moitié du 19e siècle contribue à transformer les pratiques de pêche et de commerce : ce sont à la fois les techniques de pêche, les quantités prélevées dans les cours d’eau et les moyens de préparer, transporter et vendre les ressources halieutiques qui sont touchés. Les marchands ont tous les pouvoirs, et les pêcheurs n’en ont que très peu… Quant aux consommateurs, ils se procurent ce qu’ils peuvent. L’essor de la conserve en fer-blanc s’avère alors quasi révolutionnaire. Il faut attendre les années 1920 pour assister aux premières tentatives d’organisation, sous forme de coopératives de pêcheurs. Les premiers essais sont peu concluants, les pêcheurs disposant de peu de capitaux et, il faut bien le dire, de peu de compétences en gestion organisationnelle. La crise économique les frappe durement, mais en 1939 trois petites coopératives s’unissent pour fonder la Fédération des Pêcheurs-Unis du Québec.

Bateau de pêche, en Gaspésie, vers 1940. Carte postale éditée par l’Office du tourisme de la province de Québec. BAnQ, notice 0002637835. Domaine public.

Valoriser la consommation locale

La Seconde Guerre mondiale représente une occasion de développement pour les pêcheurs. De nouvelles technologies telles que le radar, le sonar, les lignes et filets en nylon, ainsi que l’apparition de chalutiers plus imposants viennent multiplier la puissance de pêche, tandis que la congélation accroît les possibilités commerciales. On exporte aux États- Unis, au Royaume-Uni et en France. La plus grande partie des pêcheries est destinée aux marchés extérieurs. Les Québécois, dans leur ensemble, ne sont pas très friands de poisson et fruits de mer. À l’aube de la Révolution tranquille, la consommation moyenne par habitant au Québec s’établit à moins de 6 kg par an. L’industrie mise donc sur l’exportation. Au milieu des années 1980, l’entrée dans le néolibéralisme s’accompagne d’une volonté politique d’ouvrir les marchés étrangers aux entreprises québécoises, par la négociation de traités commerciaux (gouvernement du Canada) et l’octroi de subventions aux entreprises exportatrices. La concurrence des grandes firmes agroalimentaires se révèle cependant fatale pour les Pêcheurs-Unis, qui déclarent faillite en 1984.

Le marché (Sainte-Anne) aux poissons, Montréal, fin 19e siècle. Gravure tirée de L’Opinion publique, vol. 11, no21 (20 mai 1880), p. 246.

On se retrouve alors devant un curieux paradoxe : tandis que les poissons et fruits de mer pêchés dans le Québec maritime sont massivement exportés, les produits de la mer consommés par les Québécois sont principalement importés… C’est en partie pour valoriser la consommation locale qu’est fondée en 1978 l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP). Or, l’industrialisation et l’intensification de la pêche des décennies précédentes ont entraîné une surexploitation de certaines espèces, au point où les stocks s’effondrent. Il faut réagir, et vite. On doit considérer le développement durable et la pêche responsable, par l’établissement de quotas. Les activités de pêche sont orientées vers le crabe des neiges, le homard d’Amérique et la crevette nordique. Au début des années 2000, ces trois crustacés représentent 67 % du volume et 90 % de la valeur des débarquements ! Après avoir longtemps tout misé sur l’exportation, l’industrie des pêcheries effectue aujourd’hui des efforts considérables pour séduire les Québécois et les inciter à consommer poissons et fruits de mer. La multiplication des poissonneries et la place que celles-ci accordent aux produits du Québec maritime, de même que la conscientisation à l’importance de la consommation locale, joueront sans doute un rôle important dans les grandes orientations des prochaines décennies.