L’épicerie devient-elle le nouveau restaurant à la mode ?
Dans les années 80, Wegmans est l’un des premiers détaillants alimentaire aux États-Unis à construire dans ses supermarchés des cuisines et proposer à la vente en magasin du prêt à manger. Depuis, les principaux joueurs ne peuvent se passer de cette offre et travaillent en partenariat avec les marques de restauration. Autrefois bien distincte, la frontière entre épicerie et restaurant est de plus en plus poreuse.
Walmart et Burger King annonçait il y a une semaine un partenariat « inédit » pour offrir aux membres du service Walmart + un rabais exclusif tous les jours de 25% sur toute commande numérique de produits de l’enseigne de restauration rapide et un burger Whopper gratuit tous les trois mois.
En proposant cette offre, le géant américain de la distribution indique dans un communiqué vouloir « faire gagner du temps et de l’argent aux membres, en tenant compte de leur mode de vie rapide où il n’est pas toujours possible de faire les courses, de planifier les repas et de les cuisiner ».
Si les partenariats entre les marques de l’agroalimentaire n’est pas nouveau, les stratégies employées par les différents joueurs montrent que la frontière entre l’alimentation au foyer et l’alimentation hors foyer est de plus en plus mince.
Une frontière « grise »
« Les deux marchés du système agroalimentaire qu’on a l’habitude de distinguer sont devenus poreux, explique Jordan Lebel, professeur de marketing alimentaire à l’université Concordia. Certains fournisseurs jouent dans les deux domaines et la frontière est devenue grise. »
Comptoirs de prêt à manger, de dégustation, poulet cuisinés et même service à table... les épiceries jouent dans la cour des restaurants. Au lieu de vous vendre des aliments que vous allez préparer vous même, on va vous aider à le faire, réagit Jordan Lebel. On parle d’un troisième secteur, le grocerant, contraction de grocery et restaurant depuis déjà quelques années. L’épicier devient restaurant et le restaurant devient épicerie.
« Aux Etats-Unis, avant la pandémie, les dépenses alimentaires hors foyers atteignaient 50%. Si la pandémie a eu pour effet de remettre l’alimentation au foyer sur le devant de la scène, le hors foyer est reparti à la hausse depuis deux ans en Amérique du Nord », soutient le professeur.
Des parts de marché à attraper
Pour les épiciers comme pour les restaurateurs, ce mélange des genres permet aux marques de « gruger » des dollars supplémentaires. « L’épicier garde le client en magasin et utilise ses rayons comme vitrine pour faire la promotion de ces propres produits », explique Jordan Lebel. C’est aussi une façon de proposer une « expérience » alimentaire pour rester attractif alors que beaucoup de consommateurs ne s’en vont pas au supermarché pour le plaisir mais par nécessité.
Pour le restaurateur, réussir à proposer ses produits en épicerie et à la fois une source de revenus supplémentaires mais également une façon de promouvoir sa marque et sa cuisine. « Finalement le supermarché tente de compétitionner avec les restaurants et en même temps les laisse rentrer chez lui », pense Jordan Lebel. Et pour le supermarché, « c’est une façon de se distinguer de ces concurrents en proposant des marques l’on ne retrouve pas ailleurs ».
Pour l’expert en marketing alimentaire, les offres de partenariat comme Walmart et Burger King sont une entraide. « Les deux marques connues joignent leur force pour attirer les consommateurs, conclue il. L’un va surfer sur le pouvoir de l’autre même s’il existe une concurrence à d’autres moments ».
Proposer des produits de restaurants à l’épicerie vient court-circuiter le processus décisionnel du client qui va se retrouver à acheter le produit de la marque qu’il a déjà goûté au restaurant. Pour Jordan Lebel, cette dynamique amène une réflexion a plus long terme sur l’expérience client. « Est-ce que le consommateur sera prêt à payer pour faire l’effort de se déplacer dans un restaurant où il peut trouver les produits dans son épicerie ? »
En 2021, le marché des repas préparés au Canada était évalué à 5,3 milliards de dollars. Aujourd’hui, on prévoit que les plats préparés connaîtront la plus forte croissance en valeur entre 2021 et 2026 selon une analyse de marché de Globaldata.