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Crédit photo: Pixabay

Épicerie en ligne, concurrence, autonomie alimentaire : quel avenir pour les détaillants ?

7 octobre 2021

Une étude menée par la Banque de Montréal (BMO) et reprise dans le rapport de projet Commerce électronique, grande distribution, pouvoir de négociation et autonomie alimentaire révèle que 22 % des consommateurs continueront à faire leurs achats d’épicerie en ligne après la pandémie, soit deux fois plus qu’avant. Les attentes sont de plus en plus élevées quant à la qualité de l’expérience de magasinage en ligne et la rapidité de la livraison. Avec la fermeture des restaurants et le télétravail, les épiceries sont privilégiées et connaissent une croissance historique de leurs ventes. La catégorie « produits alimentaires » est celle qui affiche la plus haute croissance dans ses ventes, autant en ligne qu’en magasin. Avant le début de la pandémie, la part relative des achats en ligne sur l’ensemble des achats alimentaires totalisait environ 1 % au Canada et devrait s’élever à 5 % d’ici 5 ans.

Depuis l’acquisition de Whole Foods en 2017, Amazon est un concurrent de plus en plus important dans le secteur alimentaire et continue sur sa lancée avec le développement d’autres bannières. La faible structure de coût et le bas seuil de rentabilité de son nouveau magasin Amazon Fresh lui permettent d’être beaucoup plus agressif sur les prix.

Walmart a pour sa part investi des sommes importantes au cours des dernières années en infrastructures, acquisitions et alliances. En août 2020, elle dominait pour la première fois les transactions d’épicerie en ligne avec des parts de marché de 30 %, contre 27 % pour Amazon. Elle prévoit de dépenser 3,5 milliards de plus au Canada, notamment pour construire deux nouveaux centres de distribution en Ontario et Colombie-Britannique, ainsi que pour rénover son entrepôt de Cornwall, en Ontario, et 150 magasins. Les fournisseurs sont mis à contribution en payant des frais de développement des infrastructures de 1,25 % du coût des biens achetés par Walmart, et pour les produits vendus en ligne des frais de 5 % s’ajoutent pour le développement du commerce électronique. Cette politique risque d’affecter davantage les plus petits fournisseurs, qui se couperont de ce potentiel de marché, souligne le rapport.

Malgré le fait que les ventes en ligne ne capturent qu’une faible proportion des ventes, chaque part de marché de 1 % équivaut à des ventes de 1,2 milliard de dollars. Les trois grands joueurs dominants du marché alimentaire canadien, Loblaw, Sobeys et Metro, ont été avantagés par leur modèle « one-stop shop » - un vaste choix pour la catégorie de produits magasinée - et par leur infrastructure de commerce en ligne. Ils ont toutefois été fragilisés par la hausse soudaine de la demande et ont dû actualiser leurs infrastructures numériques. La spécialisation des distributeurs-détaillants avec la vente de produits alimentaires et pharmaceutiques offre peu de flexibilité. La variété permet d’être plus agressif sur les prix des catégories de destination, comme l’alimentaire, en apposant des marges plus élevées sur des catégories de produits pour lesquelles les consommateurs sont moins sensibles au prix.

Le rapport affirme que pour maintenir des prix compétitifs et une marge bénéficiaire, les distributeurs-détaillants exercent leur pouvoir de négociation sur les fournisseurs en exigeant des frais additionnels pour financer le développement des infrastructures.

Les impacts sur l’autonomie alimentaire du Québec

À moyen terme, dans le cas où Walmart, Costco et Amazon continueraient d’acquérir des parts de marché au détriment des distributeurs-détaillants, et dans l’éventualité d’une progression des frais exigés par les joueurs de la grande distribution, il faudrait prévoir que la proportion et la diversité des produits québécois dans l’offre globale alimentaire diminueront à l’avantage des produits des multinationales, affectant l’autonomie alimentaire et l’ensemble de l’économie du Québec.

L’industrie de la restauration constitue en temps normal une bonne part des ventes des plus petits fournisseurs et une fenêtre promotionnelle pour les produits de niche, notamment grâce aux chefs dont la popularité est croissante depuis plusieurs années. La fermeture estimée de 40 à 60 % des restaurants aura certainement un impact néfaste pour les produits du terroir du Québec. Le rapport affirme qu’il sera alors important de trouver une alternative à court terme pour soutenir les petits fabricants et leur assurer un accès à de nouveaux marchés.

La part des produits alimentaires québécois est composée de produits issus directement des producteurs et de produits fabriqués au Québec par les transformateurs. Ces derniers utilisent 70 % de la production agroalimentaire de la province. Pour garder une autonomie alimentaire, il faut donc s’assurer que les produits puissent être transformés et vendus dans la grande distribution et les circuits alternatifs. Selon le rapport, pour maintenir - voire augmenter - l’autonomie alimentaire, deux types d’intervention s’imposent : favoriser un rapport plus équitable dans les pouvoirs de négociation au sein de la grande distribution ainsi que soutenir le développement des modèles de distribution alternatifs et des plateformes de ventes en ligne émergentes.

Une relation saine dans les chaînes d’approvisionnement est à maintenir entre les acteurs de la grande distribution et leurs fournisseurs pour atténuer les effets négatifs de l’asymétrie de pouvoir. Un code de bonne conduite s’impose de plus en plus. Quant aux modes de distribution alternatifs, ils incluent les circuits courts - marché public, agrotourisme, kiosque, panier bio, boutiques spécialisées - et les plateformes émergentes de vente en ligne - Cooldel, Maturin, Lufa. Ils donnent aux fournisseurs accès à un marché local très ciblé, mais limitent les marchés plus étendus, ce qui restreint le potentiel de croissance de fournisseurs de taille intermédiaire. Si ces derniers ont souvent la capacité de production pour croître, ils ont des ressources financières ainsi que des expertises technologiques et marketing limitées pour commercialiser leurs produits et développer leur capital marque.

Le rapport parle donc de favoriser le développement des plateformes numériques pour élargir le territoire de vente, consolider une chaîne d’approvisionnement de produits québécois différenciée, permettre aux producteurs et transformateurs de tailles intermédiaires de bâtir un volume de ventes, augmenter la notoriété et l’attrait des produits auprès des nouveaux marchés couverts par la plateforme, bâtir des bases de données pour s’approprier les données transactionnelles et favoriser les partenariats.

Mots-clés: Québec