brightness_4
brightness_4
Crédit photo: Pixabay
||| Emballage

Développement durable : emballé, c’est pesé ?

12 août 2024 | Par Bastien Durand

Les nouvelles réglementations fédérales font bouger les lignes en matière d’emballages éco-responsables. Au Québec, les municipalités s’engagent depuis quelques années alors que les détaillants ne sont pas toujours certains d’opter pour une stratégie adaptée. Des questions se posent avant de franchir le pas. On fait le point.

Si on enlève ce qui atterrit dans les sites d’enfouissement et les installations de valorisation énergétique, moins de 10% des emballages plastiques sont réellement recyclés selon le gouvernement canadien. Pour lutter contre l’usage du plastique et préserver l’environnement, les réglementations évoluent au niveau provincial et à l’échelle du pays.

Rappelons qu’au niveau fédéral, le Règlement interdisant les plastiques à usage unique (RIPUU) est entré progressivement en vigueur depuis 2022. Ustensiles, récipients alimentaires, bâtonnets à mélanger, pailles ne font désormais plus partie des inventaires. Quelles options choisir pour satisfaire la clientèle, réduire son impact environnemental et gérer son affaire ?

Penser « en dehors de la boîte »

Lors du dernier SIAL Canada organisé à Montréal en mai dernier, une conférence dédiée aux emballages dans l’industrie a présenté les avancées et les contraintes auxquelles font face les détaillants. Pour Louis Papineau, directeur de Papineau & Co, une firme de services-conseils en ingénierie et en design d’emballage, les détaillants doivent adopter le comportement du « bon citoyen » qu’il théorise par les 5 R : refuser, réduire, réutiliser, recycler et rot (pourrir en anglais en référence au compostage). « C’est la théorie, avance-t-il devant l’audience. Mais un emballage éco-responsable, ça n’existe pas. C’est seulement le contexte d’utilisation qui va être l’un des paramètres essentiels auquel il faut faire attention ».

Selon l’expert, il n’y a pas forcément de mauvais emballage. « Ce qui fait défaut, c’est souvent la perception du consommateur qui devient plus forte que la réalité ». Selon lui, la vision erronée de la réalité qui vient de la méconnaissance et les mythes véhiculés par ce qui est bon et pas bon freine pour trouver des alternatives dans les entreprises. Comment en tant que détaillant peut-on briser les mythes ?

Penser globalement l’emballage dans une stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE) est indispensable. « Réfléchir à une vraie stratégie éco-responsable prend du temps, soulève Louis Papineau. On tâtonne au début avec des petits gestes. Mais il faut assumer et afficher ses choix en se posant les bonnes questions. Si on veut jouer sur la perception des consommateurs pour vendre ou prendre la question au sérieux ». Concilier la durée de vie du produit versus le niveau d’éco-responsabilité du contenant demeure l’une des premières questions à se poser.

Comme vous le savez, l’emballage alimentaire ne se limite pas à une simple enveloppe protectrice. Il joue un rôle dans la préservation de la fraîcheur des aliments et la réduction du gaspillage alimentaire. Tenir compte des critères essentiels (protection, conservation, salubrité des aliments, attentes des consommateurs, cadre réglementaire), des coûts de production et des aspects de mise en marché est une équation à laquelle il faut s’atteler.

Lors du choix d’un emballage, il faut réfléchir non seulement aux fonctions susmentionnées, mais désormais se poser des questions : les matières choisies sont-elles issues de ressources renouvelables ou recyclées ? Peut-on réduire la quantité d’emballage utilisée ? Quelle est la capacité de recyclage ou de réutilisation des matériaux en aval ?

Trouver une combinaison gagnante

S’informer et rester dans la recherche et le développement est la clé pour les entreprises afin de respecter les mandats fédéraux mais aussi trouver des solutions concrètes pour nourrir leur stratégie. Des organismes et entreprises initient des projets. A titre d’exemple, le Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD) vient d’ouvrir un appel à projet en juin pour « soutenir l’éco-conception d’emballages alimentaires et de contenants de boissons recyclables ». Concrètement, l’idée est de regrouper plusieurs entreprises pour répondre à leurs besoins de services en éco-conception d’emballage.

En partenariat avec le Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels (CRIBIQ), et Innofibre, le Centre d’innovation des produits cellulosiques, l’institut de technologie des emballages et du génie alimentaire (ITEGA) explore de nouvelles possibilités en terme de recyclabilité et de compostage en prenant en compte que le contenant alimentaire soit vu comme une combinaison produit/emballage pour « maximiser sa performance environnementale ».

Valérie Jodoin, responsable de formation pour Carrousel au centre Eco-innov, participe à donner des formations et à informer les entreprises sur les réglementations mais aussi sur les innovations à regarder. « L’objectif n’est pas de troquer un emballage contre un autre mais l’important est d’améliorer la fin de vie de celui-ci pour qu’elle soit beaucoup plus durable », insiste elle lors d’un atelier sur la question organisé lors de l’événement Evolution début juin.

Les initiatives des grosses bannières fleurissent aussi pour montrer l’exemple. Loblaws affiche des objectifs pour « maximiser la recyclabilité » des emballages de ses différentes marques depuis quelques années. Vlad Rebellon, directeur principal, Initiatives stratégiques pour les marques du groupe, travaille à réduire la variété de plastiques utilisés pour maximiser la compatibilité avec les services de recyclage. « Certains emballages sont faits avec plusieurs types de plastiques différents superposés qui rendent le recyclage compliqué du fait de l’obligation de séparer les couches. Il y aussi l’élimination de l’excès de vide dans les paquets flexibles sur lequel on travaille », explique-t-il. Ce dernier souligne l’abandon du plastique noir pour les fermetures et les capuchons. « Les plateaux de viande fraîche ont commencé à transitionner vers le PET transparent pour remplacer le polystyrène et la mousse », assure Vlad Rebellon.

S’adapter à la réalité

« Les réglementations évoluent et les détaillants doivent s’orienter entre les différentes obligations ou interdictions selon la localisation dans la province », souligne le Conseil Canadien du Commerce de Détail Québec (CCCD), qui œuvre pour aider les détaillants et alerter les pouvoirs publics de certaines difficultés.

Au Québec, au niveau municipal, Montréal, Prévost, Terrebonne et Mascouche ou encore Mont-Tremblant portent des législations qui ont accéléré les délais de normalisation et ont ajouté des contraintes. À Mont-Tremblant notamment, la municipalité a interdit, depuis janvier 2024, tous les récipients alimentaires et les barquettes faites de plastiques type 6 et 7 (à savoir polystyrène, mélamine, PTFE, etc.). Après une période d’adaptation qui courait jusqu’en juin, les détaillants doivent s’y plier. « On demande des extensions de cette réglementation, cela pénalise certains détaillants alors que la ville d’à côté à le droit, c’est un vrai casse-tête pour eux », défend une porte-parole du CCCD Québec. « Pour que la transition se fasse de manière réfléchie, il faut uniformiser les réglementations dans toute la province », insiste-elle.

Enfin, la question du prix est évidemment à prendre en considération. Seulement 15% des Canadiens sont prêts à payer plus cher pour des produits dont les emballages sont plus respectueux de l’environnement selon un sondage réalisé par le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie en 2023. L’important est de démontrer la valeur des choix faits par le détaillant sans faire peser financièrement les changements effectués sur la clientèle. « Lorsqu’on a deux choix possibles, avec les mêmes tomates cerises à 5$ dans du plastique et des tomates cerises dans du carton compostable à 6,5$, on va très certainement privilégier le premier choix », soulève le CCCD Québec.

Mots-clés: épicerie
Québec