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Crédit photo: Illustration / Pixabay
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Caissiers assis ou debout à l’épicerie ?

15 octobre 2024 | Par Bastien Durand

Dans les médias, le sujet revient régulièrement sur le comptoir. Alors qu’en Europe les opérateurs de caisse en épicerie disposent de chaises ou de tabourets pour s’asseoir depuis plus de 50 ans, au pays, on encourage encore les caissiers et caissières à travailler debout.

Il y a quelques mois, selon Retail Insider, Loblaw a mis en place un projet pilote permettant aux caissiers de travailler en position assise s’ils le souhaitent. Dans le magazine spécialisé, l’entreprise a confirmé qu’une dizaine de Provigo et Real Canadian Superstore étaient concernés avec une expérience qui a pris fin au mois d’août. L’évaluation était alors en cours en collectant les informations des employés et les retours des consommateurs afin de « déterminer les prochaines étapes ». Pas de nouvelles depuis...

Un dossier qui stagne

Au Québec, un cas fait date depuis les années 80. Dans un Provigo justement, à Port-Cartier, une caissière qui se plaignait d’un mal de dos avait demandé un tabouret à son poste de travail. À l’époque, l’employeur aurait refusé et l’affaire s’était retrouvée devant la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles. Cette dernière avait eu gain de cause mais la décision s’appliquait seulement au magasin de Port-Cartier. « Si les caissières veulent un siège, elles doivent livrer bataille magasin par magasin », écrivait en 2010, Michèle Ouimet dans la Presse.

Depuis ce jugement, les plaintes s’étaient multipliées et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST, ou selon son acronyme de l’époque la CSST) avait créée un comité entre syndicats et supermarchés pour trouver une solution. Mais rien n’a abouti. Le rôle de la CNESST est en cause pour certains alors que les grandes bannières se défendent que, chez eux, « personne ne s’est plaint jusqu’à présent ». Selon certains, travailler debout serait une tradition en Amérique du Nord. D’autres fustigent l’ergonomie des postes de travail qu’il faudrait revoir.

Travailler debout, synonyme de productivité ?

Dans un guide exposant l’aménagement des postes de travail des caissières dans les supermarchés de la province publié en 2004, le CNESST mentionne pourtant l’utilisation possible d’un siège assis-debout mobile « sur lequel peut s’appuyer la caissière pendant qu’elle travaille » afin de « réduire la pression sur les membres inférieurs et sur le dos et de permettre l’alternance entre la position debout et la position assis-debout ». Le siège en question permet de conserver la même hauteur de plan de travail que lorsque l’employé est assis. Le document précise enfin les spécifications techniques du siège qui a été développé en collaboration avec les grandes chaînes, les centrales syndicales et d’ergonomes de l’Université du Québec à Montréal. Le CNESST précise que « le client peut même ne pas s’apercevoir que la caissière est assise », pouvant laisser penser au fait que les clients préfèrent être servi par une personne debout.

Bien que l’idée de leur demander leurs avis est questionnable, les consommateurs sont divisés sur le sujet. Selon une étude récente de Caddle, au Canada, seulement 45,5% des Canadiens étaient favorables à l’idée des caissiers assis. Si on s’attarde sur le Québec, ils sont 54,6% à appuyer l’idée. En tout, 31,4% des Canadiens estiment que les employés travaillant assis à la caisse paraissent moins professionnels.

En faisant la promotion des sièges assis-debout, le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) soulignait en novembre dernier, l’importance de la santé-sécurité au travail soulevant la problématique des inconforts, de la fatigue, de la diminution de productivité ou encore de troubles musculosquelettiques liée à la position debout immobile et prolongée. Cependant, les effets n’étant pas visibles à court terme, le sujet est le plus souvent mis sous le tapis.

Pour Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie à Halifax, « le temps est probablement venu d’offrir le choix aux employés de s’asseoir et de jaser à la caisse en adaptant les comptoirs pour faciliter leur travail dans cette position ». Ce dernier souligne l’importance du rôle social que joue l’opérateur de caisse pour des personnes vivant seules par exemple. Et donc de prendre soin de lui.

Si l’on se projette dans le futur, la technologie mettra certainement aux oubliettes cette question dans quelques années, avec un métier qui va disparaître au profit des caisses automatiques (toujours en expansion) ou le paiement via des chariots intelligents qui détectent les produits. En attendant, la question reste là.

À lire aussi : Technologie : l’avenir des supermarchés sans caisses se dessine-t-il ?

Mots-clés: Canada
Québec