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Crédit photo: Équiterre

À quand le zéro déchet dans les grandes surfaces ?

16 février 2023

Équiterre a dévoilé hier à Montréal les résultats de son étude portant sur des solutions pour réduire les emballages chez les détaillants en alimentation au Canada. Elle fait le constat que l’offre zéro déchet est une solution collective qui peut, et doit, être déployée rapidement.

L’étude, menée de mai 2021 à décembre 2023, se concentre sur les réalités des épiceries, de l’industrie des emballages et de la distribution alimentaire. Un sondage a également été mené auprès de la population canadienne pour mieux comprendre ses comportements et ses préférences. Le rapport contient ainsi plusieurs recommandations, incluant des mesures législatives, pour accélérer la transition vers une offre zéro déchet chez les détaillants alimentaires au Canada.

Équiterre cible le suremballage qui prendrait trop souvent le dessus sur l’emballage nécessaire au produit pour le conserver, que ce soit pour des raisons esthétiques ou de marketing. Il fait également référence à la subdivision excessive de certains aliments, par exemple des paquets de gâteaux qui incluent des sachets contenant chacun deux ou trois biscuits. Le déploiement de l’offre zéro déchet produirait donc son impact le plus positif sur ce point.

Les emballages primaires visibles à l’épicerie, comme un paquet de pâtes, seraient à prendre en compte dans les mesures, mais pas uniquement. Il y aurait également les emballages secondaires - la boîte en carton qui contient plusieurs paquets de pâtes -, et les emballages tertiaires - la palette sur laquelle se trouvent différentes boîtes en carton entourées d’une pellicule de plastique.

Une fausse résistance au changement

L’industrie souligne que les obstacles sont nombreux pour accéder à une réelle offre zéro déchet, tant au niveau de la production que de la distribution des aliments. Les freins énoncés sont la perception que les consommateurs ne sont pas prêts, le doute sur les impacts positifs, la perception sanitaire négative et la complexité réglementaire. Du côté des leviers, l’intervention gouvernementale est énoncée, mais aussi la proposition d’un appui financier et technique pour la transformation, l’implication des parties prenantes, la valorisation des bonnes pratiques et les avantages économiques.

Plus précisément, du côté des détaillants, les freins sont principalement logistiques et internes, par exemple transformer la manière de vendre les aliments ou encore avoir plus d’espace d’entreposage pour des contenants consignés. La perception des consommateurs, la résistance au changement, le recul des pratiques zéro déchet depuis le début de la pandémie, et la question de la rentabilité sont aussi cités. Le dernier point concerne par exemple l’espace nécessaire pour offrir un même produit sous deux formes : emballé et non emballé. En ce qui concerne les attraits, l’appui financier et technique revient, la perception positive de l’offre zéro déchet pour les consommateurs, l’engagement écoresponsable des gestionnaires et l’approvisionnement local.

Si l’adhésion de la population est le principal frein au changement, un sondage pancanadien mené par Équiterre révèle que 40,6 % de la population applique déjà des pratiques zéro déchet, principalement pour les fruits et légumes (54 %), les aliments secs (35 %) et les produits frais (35 %). Ils sont ainsi 56 % à se dire prêts à apporter leur propre contenant à l’épicerie et 5 % à déjà le faire. Du côté des freins des consommateurs, il s’agirait des doutes concernant l’hygiène et de l’indisponibilité de l’offre. « Selon les régions et les municipalités, l’offre est inégale et c’est là aussi où rendre l’offre zéro déchet accessible dans les épiceries de grandes surfaces est une solution qui est intéressante », a souligné Amélie Côté, analyste en réduction à la source chez Équiterre. Quant aux motivations données, elles sont principalement d’ordre environnemental et économique parce qu’acheter en vrac permet entre autres d’acheter l’exacte quantité souhaitée.

Avoir des objectifs contraignants

Équiterre souligne que comme la grande majorité de la population (78 %) fait son épicerie dans les grandes surfaces, se tourner vers le zéro déchet représenterait donc une occasion de croissance pour les détaillants en alimentation du Canada. « On ne peut pas compter sur l’industrie pour changer les pratiques puisque, sans contraintes légales et réglementaires, on constate une absence de résultats, a affirmé Amélie Côté, dans un communiqué. La pandémie de COVID-19 a eu le dos large pour faire reculer sur certaines pratiques qui étaient en cours d’implantation, il est maintenant temps de les remettre en place rapidement. »

Elle imagine donc des objectifs contraignants pour l’industrie : « Pour nous, cela prend une imposition d’offre en vrac pour certains produits. Il faut un soutien logistique et financier à l’industrie, ce qui passe par la définition d’un contenant et d’un emballage réutilisables, de même que les processus d’achat en vrac. Il s’agirait aussi d’uniformiser la réglementation fiscale sur les emballages réutilisables. »

Parmi les pistes de solutions pour les grandes bannières, les marques maison sont décrites comme des leviers, notamment parce qu’elles ont davantage de contrôle sur la production et favorisent des circuits d’approvisionnement plus courts. Quant aux détaillants, il s’agirait d’accepter à nouveau les contenants des consommateurs, développer une politique pour favoriser le zéro déchet et mettre en place une offre zéro déchet selon les catégories prioritaires.

Une pratique établie depuis plus de 200 ans

Certaines offres zéro déchet existent depuis des décennies, par exemple celle des contenants à remplissages multiples de bière qui a été implantée au Québec en 1808. Mais faute de soutien, Équiterre estime que celui-ci s’effrite très rapidement. En 2009, 83 % des bières étaient embouteillées au Québec dans des contenants en verre réutilisables, une proportion qui a chuté pour atteindre 32 % en 2017 et qui continue de diminuer.

« Pour obtenir des résultats à court terme, des objectifs chiffrés et contraignants doivent être adoptés, estime l’analyste en réduction à la source, dans un communiqué. La France est un exemple à suivre en la matière et plusieurs mesures seront implantées au courant des prochaines années, dont l’obligation pour les détaillants en alimentation de plus de 400 m2 de dédier 20 % de leur surface à la vente en vrac en 2030. »

Équiterre conclut en notant qu’il est évident que l’offre zéro déchet gagnerait à s’étendre à d’autres types d’offres alimentaires, plus particulièrement dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des institutions. Les occasions de mettre en place des systèmes de contenants et emballages réutilisables y seraient nombreuses et faciles à saisir.

Pour lire le rapport en entier : Des solutions pour réduire les emballages chez les détaillants en alimentation au Canada

Mots-clés: Événements
Vrac
Canada