À Sutton, L’Échappée belle de la chocolaterie belge
Trois amis préparent la reprise de la chocolaterie belge Muriel, sur la rue Principale à Sutton, en Estrie. Leur projet : préserver le savoir-faire chocolatier tout en développant une épicerie aux saveurs forestières.
Lorsque Jérémie Postel découvre l’annonce de la vente de la chocolaterie de Muriel Norka sur les sites de vente de locaux commerciaux, il trouve que l’opportunité est trop belle, d’autant plus qu’on est dans un village touristique sur la route vers les États-Unis.
« J’ai discuté avec elle, j’ai découvert le lieu et je me suis demandé ce qu’il serait possible de faire dans ce local tout en conservant le savoir-faire chocolatier qui existe depuis 40 ans. » Transformateur alimentaire de produits forestiers, il rêve secrètement d’avoir un lieu pour partager ses produits. « Pourquoi ne pas y faire aussi une librairie ? », s’interroge-t-il.
Les idées fusent. Il en parle à deux amis, Jérémy Lloubes et Mikaël Theimer. Les deux compères embarquent dans le projet assez instinctivement. « Y a pas vraiment eu de doute. À l’approche de la quarantaine, c’était le moment pour chacun d’entre nous de se lancer, sourit Mikaël Theimer, photographe indépendant. On est vraiment complémentaires de part nos expériences individuelles d’auto-entrepreneur. »
Un savoir-faire à conserver
Comme Muriel Norka il y a plus de vingt ans lorsqu’elle a racheté la chocolaterie à un couple de Belges, les trois nouveaux copropriétaires ne connaissent « pas grand-chose, voire rien du tout » au processus de fabrication d’un chocolat. « Aucun de nous n’a mis les doigts dedans », lance Jérémy Lloubes, l’informaticien de la bande. Qu’importe, le savoir-faire se transmet.
Importé de Côte d’Ivoire vers la Belgique puis vers Sutton, le chocolat belge de Muriel Norka se décline en plus de 40 créations : chocolats blancs, noirs, au lait, aux noisettes, au gingembre, aux écorces d’orange, etc.
L’ancienne propriétaire vendait uniquement ses produits en boutique, sans trop savoir les quantités exactes et les chiffres de vente. « Ils vont apprendre à mes côtés, c’était le deal », explique-t-elle. La formation des trois apprentis chocolatiers est prévue pour l’automne.
L’alliance du chocolat et des produits forestiers attire l’artisan-cueilleur de la gang. « Je transforme le sapin depuis bientôt sept ans et je me dis que ça peut fonctionner avec le chocolat. J’aime faire des tests et découvrir des goûts », assure Jérémie Postel.
Ouverte à de nouvelles expériences, Muriel Norka va contribuer aux nouvelles créations. « Le monde du chocolat est tellement immense ! », sourit-elle. Pour l’heure, les trois compères viennent symboliquement de récupérer les recettes de Muriel.
Épicerie forestière
Pendant les travaux de rafraîchissement, les derniers chocolats s’écoulent auprès des habitants du village et des banques alimentaires de la région. Depuis avril, les futurs chocolatiers travaillent leur concept et la chocolaterie belge Muriel devient petit à petit L’Échappée Belle.
Un seul regret pour Muriel Norka : la fin du musée du chocolat, qu’elle avait soigneusement conservé depuis vingt ans. « Des groupes venaient d’Ontario ou même des États-Unis pour ça. Ils découvraient l’histoire du chocolat depuis les Mayas au Mexique… C’est vraiment dommage, mais c’est comme ça, ce sont les nouveaux propriétaires qui décident maintenant. Je vais tourner la page ». Une épicerie et une librairie prendront la place du musée.
« L’idée est aussi de faire découvrir des produits d’ici, de producteurs et d’artisans locaux, tout en proposant de s’informer sur ce que la forêt nous offre, explique Jérémie Postel. Les chocolats resteront cependant un produit clé. » Des livres sur l’histoire du chocolat seront peut-être présents dans les étagères de la bibliothèque…
À l’ouverture, prévue fin juin pour la saison estivale, Muriel Norka restera la maître-chocolatière jusqu’à ce que les trois nouveaux propriétaires soient prêts à confectionner à leur tour des chocolats belges. Les « Willy Wonka » de Sutton s’impatientent.